MICHEL PROCOPE-COUTEAUX

Selon Jean de Laroque (1661-1745), dans son Voyage dans l’Arabie heureuse, fait de 1708 à 1710, par l’Océan-Оriental et le détroit de la mer Rouge, avec la relation d’un Voyage fait du port de Moka à la cour d’Yémen, de 1711 à 1713 (Paris, ou Amsterdam, 1716), son père aurait ouvert à Marseille, en 1654 ( ?)[1] un petit cabinet à la turque pour confectionner et boire le café (sources douteuses). Plus probablement, il rapporta la fève de café à Marseille en 1644, de retour de son voyage (de sa mission) avec (auprès de) Jean de La Haye, seigneur du Ventelet, ambassadeur auprès de la SP (1633-1659). En1660, des balles de café d’Egypte sont importées à Marseille. La cargaison sera répartie entre les apothicaires de la ville.

§ 1°) DU CAFE PROCOPE

Malgré le discrédit jeté sur la nouvelle boisson par des savants appartenant à la Faculté de médecine d’Aix, en peu d’années, son usage se répandit dans toutes les couches de la population marseillaise, à un tel point que, vers 1671, Pascali Haroukian dit Pascal(i) l’Arménien, s’avisa d’y créer le premier « café », bien modeste échoppe en plein vent, près de la loge des marchands (rdc de l’hôtel de ville, construit entre 1653 & 1673). Sa nouveauté fit recette[2] : l’établissement prospéra si bien qu’il céda son coin de rue à un compatriote pour s’installer à Paris, à la Foire Saint-Germain plus précisément, rue de Tournon, où il ouvrit boutique pour vendre le noir breuvage à « deux sols la tasse ». Parmi ces garçons, on comptait un certain Procopio. Ledit commis se mît à son compte deux ans plus tard. Fort de son succès, il s’installa quelques années après à l’endroit d’un établissement de bains à l’enseigne du « Saint-Suaire de Turin » et rachète à un certain Grégoire, son établissement déjà réputé.

Dei Coltelli fit des aménagements luxueux (guéridons de marbre, lustre de cristal, grands miroirs). Il acquit deux étages supplémentaires et des locaux attenants. Dans l’établissement, bien sûr, on y consommait du café, servi dans des tasses blanches sur soucoupe. Là fut inventé l’ancêtre du percolateur, une machine dans laquelle on mettait de la poudre dans un filtre traversé par de l’eau chaude en abondance. A son talent de cafetier « maître-distillateur », Procopio joignit celui de préparateur de liqueurs qu’il complétait par une gamme de vins capiteux : muscats, vins d’Espagne, de Saint-Laurent (cépage qui donnait des vins rouges corsés) et de la Ciotat (cassis blanc ?) et toute une palette de savants mélanges (rossoly, le « rosée du soleil », avec des gouts d’eau-de-vie ; populo avec des parfums du clou de girofle, du musc, de l’ambre, du poivre long, du sucre, de l’anis, du coriandre et de l’esprit de vin ; eau de vie de Cédrat et une certaine « liqueur du parfait amour (élaborée d’après une recette très ancienne aux notes de violette, de géranium, d’orange et de vanille). On y servait également des glaces et sorbets composés de citron, de musc, d’ambre et de sucre et des fruits confits. Selon une légende ( ?), Procopio mit au point, d’après un exemplaire élaboré par son grand-père, une machine « a granita » qui lui permettait de servir une spécialité faite de sucre, de purées de fruits et de glace.

C’est en 1686 que Francesco Procopio dei Coltelli, installa rue des Fossés Saint-Germain (aujourd’hui 13, rue de l’Ancienne Comédie, actuel 6e) son débit de café. La nouveauté de l’établissement, l’excellence des boissons et des sorbets qu’il y offrait à consommer, le cadre agréable et le voisinage expliquent le succès de l’entreprise. La chance lui sourit car les comédiens du Français, chassés de la salle du Jeu de Paume, vinrent s’installer rue des Fossés Saint Germains à deux pas, ce qui permit au Procope de recevoir les comédiens le jour de la première de Phèdre et du Médecin malgré lui.

Le café flambant neuf connut très rapidement un grand succès. Il fut fréquenté par des voisins, des aristocrates, des gardes du roi, des intellectuels, des comédiens du Français, des artistes, des financiers, des avocats, mais également des aigrefins et des tire-laine. Montesquieu en parle dans la 36e des Lettres Persanes (Amsterdam, Pierre Brunet, 1721) :

« Le café est très en usage à Paris : il y a un grand nombre de maisons publiques où on le distribue. Dans quelques-unes de ces maisons on dit des nouvelles, dans d’autres on joue aux échecs. Il y en a une où l’on apprête le café de telle manière qu’il donne de l’esprit à ceux qui en prennent : au moins, de tous ceux qui en sortent, il n’y a personne qui ne croie qu’il en a quatre fois plus que lorsqu’il y est entré…».

Parmi les habitués du Café pendant les décennies 1690-1740, citons (liste non exhaustive) :

** Alary, Pierre-Joseph (1689-1770), abbé, littérateur, mb de l’AF (1723), fondateur de l’Entresol.

** Crébillon père, Prosper Jolyot de (1674-1762), dramaturge, mb de l’AF (1731).

** Danchet Antoine (1671-1748), dramaturge, poète et librettiste.

** Destouches (1680-1754), Philippe Néricault dit, comédien et écrivain.

** Ducastre d’Auvigny, Jean-Baptiste (1712-1743), chevau-léger, historien.

** Duclos, Charles Pinot (1704-1772), écrivain et dramaturge, mb de l’AF (1747).

** Fontenelle, Bernard Le Bouyer de (1657-1757), écrivain, dramaturge et scientifique, md de l’AF (1691), de l’Ac. Royale des scientifiques de Prusse et de la Royal Society.

** Fréron, Elie-Catherine (1718-1776), journaliste, critique et polémiste. Dans la conclusion de sa Lettre de l’auteur de l’« Ode sur les conquestes du Roy » à un ami (s.l.n.d.), il écrit, à propos du café Procope : « Aussitôt que je puis disposer d’un moment, j’y vole avec empressement, j’y entre dans la joie, j’y demeure dans l’admiration, j’en sort avec le regret ».

** Guyot de Merville (1696-1755), Michel, écrivain, journaliste et dramaturge.

** La Mothe, Antoine Houdar de (1672-1731), écrivain, librettiste, compositeur & dramaturge, mb de l’AF (1710), habitué des salons et des cafés.

**Lattaignant, Gabriel-Charles de (1697-1779), abbé (bien qu’il n’eût que le petit collet), poète et chansonnier, auteur de « j’ai du bon tabac … »

** Leriche de La Popelinière, Alexandre (1693-1762), fermier général, mécène, collectionneur & écrivain.

** Locmaria, Jean-Marie-François du Parc, marquis de, qui fit don de 500 livres à Alexandre Procope.

** Moncrif, François Augustin de Paradis de (1687-1770), écrivain et poète, auteur de l’Histoire des chats (1727), mb de l’AF (1733).

** Pellegrin, Simon-Joseph (1663-1745), abbé, poète, librettiste et dramaturge, collaborateur de Rameau.

** Piron, Aimé (1689-1773), poète, chansonnier, goguettier et dramaturge.

** Renard, Louis, libraire.

** Richer Henri (1685-1748), poète.

** Rousseau, Jean-Jacques (1712-1778) jeune (mais il continuera à y venir):  une gravure (c. 1770) le représente au Procope, levant la main, entouré de Diderot, La Harpe et Condorcet. Dans Les Confessions, Rousseau évoque une soirée passée au Procope (18 décembre 1752), où, s’ennuyant devant le spectacle proposé à la Comédie-Française, il était venu un peu plus tôt que d’habitude au café.

** Roy, Pierre-Charles (1683-1764), librettiste, 1er écrivain à être chevalier de l’Ordre de Saint-Michel (1742).

** Voisenon (1708-1775), Claude-Henri de Fusée, comte, prêtre (1739), abbé commendataire, mb de l’AF (1762).

**Voltaire n’y serait venu que deux fois ( ?). D’autres sources indiquent qu’il venait écouter, plus ou moins incognito, les conversations des habitués lesquels lui inspirèrent ces vers :

Quand Boindin[3], par trop impie

Avait bien médit du Ciel,

Quand Piron, contre l’Olympie

Avait bien vomi son fiel,

Quand Rousseau, le Misanthrope

Avait bien philosophé,

Ça, Messieurs, disait Procope

Prenez donc votre café.

§ 2°) DE SON CREATEUR

Le romancier picaresque Alain-René Lesage (1668-1747), dans son Histoire de Gil Blas de Santillane (Paris, douze livres parus entre 1715 & 1735), aurait dépeint Procopio sous les traits du Docteur Cuchillo comme « un petit médecin brun » atrabilaire avec lequel le héros du roman eut une algarade. Mais faut-il croire à ce portrait ?

Mais qui était donc ledit Francesco Procopio Cuto ou Francesco Procopio dei Coltelli [Francesco Cuto] dit François Procope-Couteaux

Il serait né à Palerme, le 9 février 1651, fils d’Onofrio Cutò et de Domenica Semarqua, selon l’acte de naissance, trouvé en 2003, par Marcello Messina, dans les archives de l’église de S. Ippolito al Capo[4] [XIVe siècle, complétement transformée 1717/1728] & baptisé le lendemain de sa naissance.

Selon Messina, Francesco, arrivé à Paris, aurait anobli son patronyme Cuto en des-Couteaux, à partir de l’assonance phonétique entre les deux noms, puis aurait italianisé le patronyme français en dei Coltelli, mais aucun document n’atteste cette transformation.

Selon d’autres sources, Francesco serait né à Aci Trezza, port de pêche à une dizaine de km de Catane ou plus vraisemblablement y aurait vécu.

Pourquoi le distillateur fit-il le choix de Procope, prénom d’origine grecque (προκοπή : prokopḗ), signifiant succès, prospérité, progrès, avancement ?

Bien sûr, on trouve deux empereurs romains mais qui n’ont pas laissé un grand nom dans l’histoire : l’usurpateur Procope (326-366) qui gouverna huit mois (septembre 365-mai 366) à Constantinople et l’empereur romain d’Occident (467/72) Procopius Anthemius Augustus (c. 420/472), un général (IXe siècle), deux historiens byzantins et cinq saints dont Neanius dit Procope de Scythopolis ou de Césarée, natif de Jérusalem, alors fortement romanisée, habitant de Scythopolis (aujourd’hui, Tel Beït-Shéan, à l’ouest du Jourdain), clerc de l’Eglise primitive s’exprimant en syriaque, martyrisé en 303 pour avoir refusé le culte impérial et un peu moins connu Procope le Décapolite.

Selon des sources qui tiennent plus du quand-dira-t-on que de la réalité historique, Francesco Cupo se serait placé sous le patronage de Procope de Gaza, sans qu’on n’ait jamais su pourquoi ? Le nom/prénom Procopio est assez courant en Calabre où une ville se nomme Santo Procopio, San Pricoti en calabrais (dans l’actuelle province de Reggio), mais on trouve des mentions de San Procopio également à Sicile (Taormine, Troina). Saint Procope est également le patron de Fiesco (Lombardie). Aussi on optera que le choix du nom vient de Saint Procope de Césarée ? ou simplement une invitation au succès et/ou à la prospérité ?

Son mariage fut célébré, le 26 février 1675, après passage devant notaire, à Saint-Sulpice (actuel 6e) : « … Procope Couteau, marchand, agé de vingt-cinq ans, fils de feu Onofre Couteau et de Dominique Sémarque, demt rue de Tournon, chez le Sr Petit Me patissier, avec Marguerite Crouin, agée de vingt ans, fille de Louis Croüin et de Marguerite Feray, présents aud. mariage, demt rue de Condé, chez M. Picard …» 

** du 1er lit avec Marguerite Crouin (1655-96), naquirent huit enfants :

** Elisabeth (1676) ;

** Isabelle Marguerite (1677) [Procope est dit « distillateur » lors du baptême] ;

** Marie [Louise] Marguerite (1679) [Procope est dit « marchand de liqueurs »] ;

** Marie (1680) ;

** Jean-Baptiste Marie (1682-1729) :

Etudiant (1704), docteur en médecine (1706), il exerce au Levant et en Espagne avant de retourner à Paris en 1714, mais il préféra repartir pour l’Espagne ou il mourut à Cadix, médecin du vice-roi de Nouvelle-Espagne (Mexico)[5].

Marié à Marie Tarillon, sa fille Jeanne Camille épousera en octobre 1727, en l’église Saint-André-des-Arts, Francisco Lorenzo de Noboa, négociant de Cadix.

** Michel Procope (1684-1753) (voir plus loin) ;

** Alexandre Procope (1686-1753) dit officiellement CouteauX en 1716, « marchand épicier », marié en avril 1717, à Saint-Sulpice, avec Julie Parmentier (1699-1718), fille de Pierre, contrôleur général des rentes d’où Claude François, né en février 1718. A la mort de sa femme, il est qualifié de « marchand limonadier-épicier & bourgeois de Paris ».

Alexandre Laurent Couteaux se remarie en février 1724 avec Philippe Soulet, âgée de 26 ans (1798-) d’où un fils Alexandre Julien (1725-1797), marié à Claude Parent d’où divers enfants dont §1 Alexandrine (1771-1851), mariée au baron Jacques Beville de Vicques (1758-1832), § 2 Alexandre (1774-) et §3 Féliciane .

A sa mort en décembre 1753, le café passe dans les mains d’un certain Dubuisson

** Marie Anne (1688), filleule d’un certain Cristoforo (Cristofanao) Papi, duc di Pratoamene (Belle prairie ?).

** du 2e lit, avec Anne-Françoise Garnier de Vaulnay (mariage à Saint Sulpice, le 15 juillet 1697, avec « Anne-Françoise Garnier de Vaulier, âgée de vingt-quatre ans, fille de noble homme Claude Garnier, Sr de Vaulier »), quatre enfants :

** Thomas Couteaux (1698).

** Françoise Catherine (1700/71), mariée en 1719 à Louis Castel Boyer, commissaire de l’artillerie.

** Jean Antoine Procope Couteaux (1702), baptisé le 18 juin avec comme parrain Jean-Antoine de Mesmes (1661-1723), futur académicien (1710) et futur président à mortier du Parlement de Paris (1712) et comme marraine Marie-Anne Voi(y)sin (1651-1721), veuve de Denys II Feydeau de Brou (1633-1691), ancien intendant, cousine germaine de Daniel Voysin de La Noiraye (1661-1723), secrétaire d’Etat à la Guerre (1709-1715) et chancelier de France (1715-1717) et bâtisseuse de l’hôtel homonyme (15, rue de l’Université, démoli de 1971 à 1978).

NB l’acte de baptême du 2 juin indique que l’adresse du café était « rue Neuve des Fossés, au Saint Suaire de Turin »

** Claude (1704/1716).

En 1716, François habite rue du Cherche-Midi. Il s’était retiré des affaires. Son fils Alexandre « marchand épicier » lui avait succédé à la direction du café.

! 3)° D’UN DE SES FILS :

A propos d’un de ses fils Michel Couteau (Michel Coltelli) (Paris : 7 juillet 1684/village de Chaillot : 21 ou 31 décembre 1753), fils dudit Francesco (dei) Coltelli et de sa première femme.

Elève surdoué : il aurait prêche dans l’église du couvent des Cordeliers[6] un sermon grec de sa composition

Après le petit séminaire de Paris (rues Férou et du Pot-de-fer), il reçut les quatre ordres mineurs (portier, lecteur, exorciste & acolyte), mais renonça à la carrière ecclésiastique (vers 1700).

Etudes à la faculté de médecine de Paris :

*** An auer pulmones penetrat ? (président : Jean Herment, médecin ordinaire du roi), Paris, 1704, 4 pages ;

*** An a moderata exercitatione firmior sanitas ? (président : Alexandre-Pierre Mattot, médecin régent de la Faculté de médecine de Paris), Paris, 1706, 4 pages ;

*** An omni alvi fluxui radix brasiliensis ? (président : Jean Baptiste Fermelhuis, médecin & écrivain), Paris, 1706, 4 pages ;

*** Est-ne fermentorum vel mutuae glandularum et liquorum configurationis opus, secretio ? (président : Antoine Pépin), Thèse de médecine quodlibétaire , Paris, 1707 ;

*** An ineunte morbo glandularum et liquorum configurationis opus, secretio ? (), Paris, 1707 ;

*** An ineunte morbo vomentibus vomitoria ? (président : Jean Herment), Paris, 1707, 2 pages ;

*** An eluendae cacochymiae, tepidae potus ? (président : Charles Bompart), Thèse de médecine cardinale, Paris, 1707, 4 pages.

Docteur en médecine en 1708, son nom apparait pour la première fois dans l’Almanach Royal de 1709. A cette date, il est dit habité Quai de la Vieille-Vallée.

Demeure rue Sainte-Marguerite (1711-1712), puis Jeune rue de Tournon (1713)

Absent de Paris selon l’Almanach (1714-1724).

En 1718, Michel épouse Charlotte Beaune (décédée vers 1725 ?)

Habite chez son frère Alexandre, rue des Fossés saint-Germain (1725)

Habite rue Jacob, mais absent de Paris (1726)

En mars 1726, sa fille Françoise (1719/26) décède.

En province, veuf, il épousa Madeleine-Henriette de Brisseau de Montfort (1699-1735), fille de Louis de Brisseau, seigneur et marquis de Montfort-le-Rotrou et de Jacqueline Françoise de Courtavel de Pezé (1666-1729), qui habitaient ledit château, près du Mans.

En novembre 1730, sa femme accouche, en l’absence du père, d’un fils Michel-André qui décèdera en mars 1733.

En août 1735, il est veuf pour la deuxième fois.

En octobre 1735, Procope, demeurant rue Tiquetonne, perdit le deuxième fils du deuxième lit, Charles Michel, âgé de deux ans.

Veuf, Michel habitera rue des Mauvais Garçons (1736), puis rue de Seine (c. 1738/c. 1740) et à Chaillot (1750).

Il semble ne pas avoir beaucoup pratiqué son art mais comme médecin, il se fit connaître par sa disputatio avec Philippe Hacquet (1661-1737), docteur en médecine des facultés de Reims (1684) et de Paris (1697), doyen de cette dernière (1712/14), janséniste, médecin des familles princières de Condé & de Vendôme, et du couvent des Carmélites, du faubourg Saint-Jacques, hydrophile & hydropathe, antitabac & grand défenseur de la saignée et de son ouvrage Traité de la digestion et des maladies de l’estomac, (Paris, François Fournier, 1712, 442 pages).

Contre lui, Procope publia une Analyse du système de trituration tel qu’il est décrit par M. Hecquet dans son traité… (Paris, Vve F. Muguet, 1712, 94 pages).

Les thèses du doyen furent défendues par Philippe-Bernard de Bordegaraye (1648-1728) dans sa Réponse à Mr Procope Couteaux sur sa prétendue analyse du système de trituration (Paris, François Fournier, 1713, 92 pages).

Procope répliqua dans un Extrait des beautés et des vérités contenues dans la réponse de Bordegaraye (1713).

Procope se montra un tantinet querelleur. Cette posture lui valut d’être attaqué dans une comédie en trois actes et en prose, Le docteur Fagotin, d’un certain Delille, médecin du prince-évêque de Liège.  En réalité, il s’agissait d’un faussaire qui se faisait appeler Don Delile de Sénac d’Aragon et qui prétendait avoir obtenu son diplôme de médecin de l’Université espagnole d’Alcalà [de Henares][7]. Le pseudo-praticien avait commis un traité sur les propriétés médicinales des eaux que Procope critiqua. La pièce de théâtre était une vengeance. Procope répliqua par deux Lettres à M. Delile (Namur, 1732).

Le XVIIIe siècle sera l’âge d’or de la chirurgie. L’autorité royale favorisa son essor. Dès 1736, Procope se fit acerbe dans sa Lettre de M…, à un ami de province S. l. , 14 pages). En avril 1743, Louis XV éleva les chirurgiens au rang des médecins. Procope réagit dans ses Réagit dans ses Reflexions sur la declaration du Roy du 23 avril 1743. Dès lors, il participa cette longue querelle entre médecins et chirurgiens. En 1743, Procope ferraille contre François Gigot de La Peyronie (1678-1747), premier chirurgien du roi et président de l’Académie de chirurgie. Prétextant l’affaire médicalo-amoureuse de Metz, il écrivit indirectement contre lui une Lettre sur la maladie du Roi (S.l., 1744). Il milite pour la « subordination » de la chirurgie à la médecine avec son Discours sur les moyens d’établir une bonne intelligence entre les médecins et les chirurgiens prononcé aux écoles de médecine, le dimanche 16 janvier 1746 (Paris, impr. De Quillau, 1746, 30 pages). Procope est alors titré docteur-régent de la Faculté de médecine de Paris et professeur de chirurgie.

Procope fut surtout connu (du moins dans un deuxième temps) pour son ouvrage L’Art de faire des garçons ou Nouveau tableau de l’amour conjugual. Les diverses éditions sont attribuées à un médecin anonyme, diplômé de l’Université de Montpellier & imprimées à Montpellier, chez François Maugiron, 1748, (avec de nombreuses rééditions, 34 entre 1750 et 1787). En réalité, il semble que Procope se soit amusé à écrire ce pseudo-traité médical. Las, certains de ces confrères prirent la chose au sérieux

Jacques-André Millot (1738-1811) qui théorisa ladite conception dans L’Art de procréer les sexes à volonté, ou Système complet de génération (Paris, an IX, 387 pages).

1741 : professeur de pathologie (?)

1742 : professeur de physiologie (?)

1747 : professeur de chirurgie

1752 : bibliothécaire et régent de la Faculté de médecine

Son riche deuxième mariage le mit à l’abri du besoin. Il passait du temps dans le château de Montfort-le-Rotrou. A Paris, on voyait Procope, plus souvent au spectacle, en loge ou dans les cafés et académies qu’au chevet de ses malades ou à la Faculté de médecine.

Il essaya même son talent pour les jeux du théâtre, en faisant représenter à Londres, en 1719, une comédie « italienne », en cinq actes et en prose, intitulée Arlequin balourd, comme elle a été représentée sur le théâtre de Hay-Market[8], en présence de sa Majesté[9] (Londres, H. Ribotteau, 1719). Selon son auteur qui admet ne « jamais beaucoup ambitionner le titre d’Auteur », Il aurait écrit cette pièce pour meubler ses insomnies et chasser « une vapeur hypocondriaque qu’on appelle ici le Spleen ».

Lui qui dit-on donnait de « bons conseils » aux comédiens et de « mauvais conseils » aux comédiens, continua sa carrière théâtrale à Paris.

Est-ce durant ce séjour londonien, qu’il épousa une Anglaise sur laquelle les renseignements manquent ? Mais il aurait été alors bigame. S’agit-il d’un concubinage notoire ou d’une simple aventure ? Ou de simples commérages ?

En juin 1719, il fit représenter à la Comédie-Italienne, Les Amans brouillés par Arlequin messager balourd, comédie en cinq ans qui semble une reprise de la pièce londonienne. La (les) œuvre(s) semble(s) inspirés d’une comédie italienne Li Sdegni amorosi (que certains auteurs qualifient d’hypothétique, l’œuvre homonyme de Goldoni (1732) est postérieure).

En 1724, Procope récidiva avec une comédie en un acte sous le titre de l’Assemblée des comédiens, texte qui ne semble pas avoir été imprimé. En réalité, il apparait comme un prologue, ajouté à la reprise, le 26 août 1724, de la comédie Les trois cousines de Florent Carton dit Dancourt (1661-1725), auteur prolixe de 80 comédies, sociétaire de la Comédie-Française et visiteur du café Procope.

Inspirée du conte Riquet à la houppe de Charles Perrault, la comédie Les Fées (Paris, Le Breton, 1736) de Jean-Antoine Romagnesi (1690-1742), acteur au Théâtre-Italien et également client du café, et Michel Procope-Couteaux a figuré au répertoire de la Comédie Italienne pendant près de vingt ans à partir de 1736, année de sa création.

Les deux compères collaborèrent également dans Pygmalion, joué pour la première fois en janvier 1741. En février, fut représentée par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi, La Gageure, comédie en 3 actes et en vers libres, avec un divertissement, par M. Du P*** (Paris, veuve Cailleau, 1752), travail collectif de Procope et du dramaturge Nicolas Lagrange (1707-1767).

Toujours en duo, Procope collabora à Le Roman ou les deux Basiles, comédie en trois actes et en vers, représentée par les Comédiens Italiens ordinaires du Roy (Paris-Jacques Clousier, 1746) du gazetier et dramaturge Michel Guyot de Merville (1696-1755).

D’après ses contemporains, Procope fut un « Bon Frère ». Selon un document tiré de la collection André-Joseph Lerouge (1766-1833), une des 188 pièces sur 552 achetées en janvier 1835, et ensuite cité par Johann Georg Burckhardt Franz Kloss (1787-1854)[10] & traduit et reproduit par Pierre Chevallier[11], Procope aurait été fait maçon en 1718 en compagnie du duc d’Antin dans la loge d’Aubigny (Berry). Comme souvent dans les sources maçonniques, le vrai et le faux se mêlent.

1718 ? La première loge parisienne date de juin 1725. En 1718, Louis de Pardaillan de Gondrin, futur 2e duc d’Antin en 1722, Grand Maître général et perpétuel des maçons dans le royaume de France en juin 1738 avait onze ans. Enfin Charles Lennox, 2e duc de Richmond, ancien grand maître de la GL d’Angleterre (1724), sera installé vénérable en août 1735, dans son château d’Aubigny-sur-Nère, par le Révérend J. T. Desaguliers, ancien grand maître en 1720.

Gustave Bord, sans citer de sources, fait remonter la réception de Procope en 1734, et le donne comme membre de la loge parisienne Saint Jean de la Discrétion [que Bord lui-même donne comme constituée en décembre 1754, op. cit., p. 368, soit un an après la mort de Michel Procope].

A-t-il été membre de la loge Saint Thomas au Louis d’Argent ?

Plus improbable encore, Procope aurait fait maçon Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont, futur grand maître de la 1ère GLdF (1737), dans la loge de Charles Godefroy de La Tour d’Auvergne (1706-1771), duc de Bouillon (1730) ???.

Selon le Gazetin de la Ville de Paris (1er juillet 1737), Procope serait en rapport avec le frère Michel Ferdinand d’Albert d’Ailly, duc de Picquigny (1731), puis duc de Chaulnes (1744).

 On retiendra de tout cela, que Procope a été un des premiers maçons français, vraisemblablement dans la décennie 1730.

Dès cette époque, on trouve des documents incontestables sur sa présence en loge :

** Arsenal n° 2939 : copie manuscrite d’une chanson (5 couplets inégaux soit 48 vers) avec la mention marginale « Procope un des frères de l’ordre est auteur de cette pièce au mois de mars 1737 » qui se présente comme une défense de l’accusation d’homosexualité et de l’interdiction de la présence des femmes. Le dernier couplet est bien dans l’esprit misogyne du temps :

Beau Sexe nous avons pour vous

Et du respect & de l’estime

Mais aussi nous vous craignons tous

Et notre crainte est légitime

Hélas§ On nous apprend pour première léçon,

Que ce fut de vos mains qu’Adam reçut la pomme,

Et que sans vos conseils tout homme

Naîtroit peut-être Franc-Maçon.

** 1742 : l’abbé (mais sans jamais avoir reçu les ordres majeurs) Gabriel-Louis Pérrau (1700-1767), prieur de la Sorbonne lui dédicace[12] son L’Ordre des francs-maçons trahi, p. XIII-XV : « Au très Vénérable Frère Procope, médecin et Franc-Maçon, l’un des Vénérables[13] des vingt-deux loges établies à Paris ».

** Elie-Catherine Fréron (1718-1778), ancien novice chez les jésuites, alors journaliste, poète et écrivain hostile au « parti philosophique » est reçu apprenti maçon en décembre 1743, et maître en février 1744 dans la loge de Procope.

Avant l’automne 1744, Fréron publia une Lettre à Madame de ***où l’on invite plusieurs auteurs célèbres d’entrer dans l’Ordre des Francs-Maçons par un nouveau Franc-Maçon (S.l., s.d.) raconte sa réception dans la loge de Procope et se moque de son ennemi Charles Pinot Duclos (1704-1772), futur secrétaire perpétuel de l’Académie française (1755), d’avoir été fait maçon au café Procope. Dans ladite lettre (p.32), il décrit le « vénérable Procope » qui « sous les traits d’Anacréon cache les rides de Socrate ».

La question est de savoir quelle loge présidait Procope ?

** Sur la Liste ancienne et nouvelle des maîtres des loges régulières de la ville de Pariset du royaume de France… (1744), Michel Coltelli dit Procope, docteur en médecine est vénérable de la loge parisienne L’Union, constituée le 16 mai 1744.

** En janvier 1746, les Chevaliers de l’Arquebuse de Paris, réunis chez Lejeune, traiteur rue Saint Paul, reçoivent la visite d’un Anglais muni d’une lettre de recommandation signée Procope exhortant les confrères à aider cet exilé jacobite.

Michel Procope-Couteaux meurt le 31 décembre 1753, rue de la Seine (actuel 6e), faubourg Saint-Germain.

Il avait testé devant le notaire royal Jean-Baptiste Dupré, rue Saint Honoré, au coin de la rue du Coq (actuel 1er).

A l’initiative de son frère Alexandre, le bout-de-l’an fut célébré le 23 décembre 1755, en l’Eglise Saint-Eustache (AN) Son oraison funèbre fut prononcée par son confrère et néanmoins littérateur[14] Claude-Marie Giraud (1711-1780). Elle fut publiée sous le titre de La Procopiade ou l’Apothéose du docteur Procope[15]. En réalité, il s’agit d’une œuvre légère dont la rigueur biographique n’est pas certaine. F. M. Grimm (1723-1807) dans la Correspondance littéraire, philosophique et poétique (1748-1793) la qualifie de burlesque.


[1] Venise : 1645 ; Londres : 1652.

[2] D’autres sources indiquent que l’établissement ne fit pas recette.

[3] Nicolas Boindin (1676-1751), écrivain et dramaturge.

[4] Actuel quartier de centre historique de Palerme, près du port, avec un marché homonyme.

[5] Soit Baltasar de Zùñiga, duc de Arión et marquis de Valero (1716-1722), soit plus probablement Juan de Acuña, marquis de Casafuerte (1722-1734), souffrant d’une forte goutte.

[6] Le couvent occupait un espace circonscrit par la rue Antoine-Dubois, la rue Monsieur-le-Prince, jouxtant l’église Saint-Come, la rue de La Harpe et bordé par la rue des Cordeliers (actuelle rue de l’Ecole-de-Médecine).

[7] En 1735, le Collège des médecins de Liège obtint qu’il fût chassé de la principauté. Delile renouvela ses exploits à La Haye, avant de passer [enfin !] son diplôme de médecine à l’Université de Harderwijk.

[8] Sur Haymarket, il s’agit de l’ancien Queen’S Theatre (1705), devenu Kings’Theatre (1714).

[9] Georges 1er, Electeur de Hanovre, roi depuis 1714. Le roi était germanophone et francophone, mais maitrisait mal l’anglais.

[10] Von der Einführung der Fremaurerei in Franckreich bi zur Restauration des Königthums, Daarmstadt, G. Jonghaus, 1852/3, p. 73/4ON

[11] Les ducs sous l’acacia, Paris, L.P J. Vrin, 1964, p. 16.

[12] La dédicace a disparu dans plusieurs éditions postérieures.

[13] De quelle loge ? Peut-être de la Saint Jean de la Discrétion I (AQC, Londres, vol. XLI, p. 25), ? Mais ce titre apparait pour la première fois officiellement le 15 décembre 1754.

[14] Auteur entre autres du Jugement de Pluton, contre la Faculté de médecine, ou La Peyronnie aux enfers ou Arrest de Pluton contre la faculté de médecine, [S. l.], [s. n.],1742, de l’Epître du diable, a M. de V*** (puis Epître de Belzébut à l’auteur de la Pucelle, Genève 1760) et de La Thériacade ou l’Orviétan de Léodon, poème héroi͏̈-comique (A Francfort, en foire , 1769.

[15] Londres [ ?], 1754 ; Paris, Hachette BNF, 2016, 74 p..

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s