A l’origine, seul le terme de mage est utilisé pour désigner les visiteurs de Jésus enfant, c’est-à-dire des personnages associés au zoroastrisme et/ou au mithraïsme. C’est avec Tertullien (Quintus Septimius Florens Tertullianus), (c.150/c.220), berbère romanisée latinophone de Carthage, dans Contre Marcion (Adversus Marcionem, Livre II, chapitre 13), traité contre le dualisme qu’apparaît l’association des mages à la fois à la sagesse et au pouvoir. Il les qualifie de « presque rois », par analogie avec la situation en orient : Magos reges habuit fere oriens = L’Orient fut presque toujours gouverné par des mages. (Adversus Marcionem, III, 13).
Ce choix illustrait une tendance de plus en plus ancrée dans la patristique de voir dans l’Ancien Testament des traces annonçant le Nouveau Testament :
« 7 Sous son règne, le juste fleurira, et la paix sera grande tant que la lune éclairera. 8 Il dominera d’une mer à l’autre, et de l’Euphrate aux extrémités de la terre. 9 Devant lui les habitants du désert plieront le genou et ses ennemis lécheront la poussière. 10 Les rois de Tarsis et des îles amèneront des offrandes, les rois de Séba et de Saba apporteront leur tribut. 11 Tous les rois se prosterneront devant lui, toutes les nations le serviront »
Psaume 72, 7-11.
Si cette tradition est généralement acceptée dans les commentaires ultérieurs, elle ne trouve cependant d’implication picturale définitive qu’autour du XIIe siècle, en Europe occidentale, comme le montre l’Hortus Deliciarum, sorte d’encyclopédie manuscrite (648 pages divisées en six parties avec 346 miniatures), réalisée entre 1159 et 11175 par l’abbesse Herrade dite de Landsberg (ou de Hohenbourg)(C. 1125-1195) et les moniales du couvent de Hohenbourg (mont Saint-Odile)[1]. On y trouve cinq miniatures des mages désormais également rois :
Mains cachées en signe de respect / Rois occidentalisés (sceptre d’Hérode) et décors romans / Melchior (vieillard à barbe blanche) porte encore un pantalon à l’orientale.
Videntes autem stellam, gavisi sunt gaudio magno valde = à la vue de l’astre, ils se réjouirent d’une grande joie.
Marie auréolée assise sur un trône / Jésus auréolé bénissant semble avoir une dizaine d’années / La crèche est devenue un palais roman / Les présents sont plus ou moins indifférenciés. Il est difficile de reconnaitre l’or / Joseph, pieds nus, semble perplexe [NB. La norme est de représenter pieds nus seulement Jésus, les apôtres et les anges]/ noms : Melchior, Gaspar et Patisar.
In gremio matris lux splendor gloria patris = Assis sur les genoux de sa mère, celui qui est lumière et splendeur, la gloire du Père
L’ange vient avertir les rois endormis dans le même lit, mais couronnés des manigances d’Hérode
… et responso accepto in somnis ne redirent ad Herodem per aliam viam reversi sunt in regionem suam = Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner vers Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin (Mathieu, II, 12)
Ils sont rentrés par un autre chemin.
A partir du XVe siècle, ils seront plus souvent rois en royauté que mages, en chevauchée et/ou en cortège, totalement occidentalisés, les chevaux remplaçant les chameaux
Le
Le cortège des Rois Mages (c. 1445), de Zanobi Strozzi (di Benedetto di Caroccio degli Strozzi) (1412-1468), peinture à l’huile a tempera (sous-couche recouverte par un vernis d’huile translucide), sur panneau de bois, musée des beaux-arts de Strasbourg.
Thème très à la mode dans la Florence du Quattrocento, permettant de glorifier les élites de la République, avec paysage fantastique & goût pour l’exotisme avec les chapeaux, les costumes et les animaux (porc-épic géant, cervidés ( ?), un fauve ( ?), un singe sur le chameau, etc).
[1] L’original a été détruit pendant l’incendie de la bibliothèque de Strasbourg, le 24 août 1870.
Yves Hivert-Messeca 