L’Evangile de Mathieu est un texte rédigé en grec par un lettré juif christianisé, entre 80/100, à partir du texte de Marc (une sorte de midrasch) et de la Source Q (c.50). Il ne mentionne pas le nombre des mages (néanmoins le pluriel magoï, suggère qu’ils sont au moins deux), ni leurs noms et ne les qualifie pas plus de rois.
Du latin magus (magicien, sorcier, prêtre chez les Perses zoroastriens et/ou astrologues ), du grec ancien mágos, nom donné par les Babyloniens, les Chaldéens, les Mèdes, les Perses, notamment, aux sages, enseignants, prêtres, médecins, astrologues, voyants, interprétes de rêves, augures, devins, propagandistes, religieux, magiciens, charlatans et/ou sorciers.
NB : le mot Majūs (مجوس en arabe) ou Magūsh (مگوش, en persan) désigne de manière générale tous les mages, puis le terme fut limité aux Iraniens zoroastriens.
Les mages sont uniquement évoqués dans le deuxième chapitre de l’Evangile selon Matthieu (versets I/12), les trois autres Evangiles canoniques ignorant cette aventure. Cet épisode fait donc partie du Sondergut [en allemand, bien propre, en exégèse biblique, part spécifique de chacun des livres par rapport aux autres.] matthéen. Le texte précise seulement qu’ils sont venus d’Orient (II, 1) après avoir vu son astre à l’Orient (II,2)(autre traduction possible à son lever cf. également II, 9 : et voici que l’astre, qu’ils avaient vu à l’Orient), imagerie messianique faisant référence à la vision de Balaam (Nombres, XXIV, 17) [une étoile marche depuis Jacob] et à quelques versets d’Isaïe (XI, 10 et 11) [].
Les mages (astrologues) arrivèrent à Jérusalem : Où est le nouveau-né, roi des Juifs ? (II, 2) [formule que l’on retrouve sur la croix, soulignant la dimension préfiguratrice des Mages]
La question troubla Hérode [Hérode le Grand (-73/+4), roi de Judée depuis -37 (cf. Les Antiquités Judaïques (Antiquitates Judaicae), de Yossef ben Matityahou HaCohen (Flavius Josèphe)] et tout Jérusalem avec lui [Par un renversement des valeurs, Dieu confie sa connaissance à de vieux fous venus d’Orient tandis que les autorités et les sages d’Israël massés à Jérusalem, demeurent dans l’ignorance]. Interrogés, les grands prêtres et les scribes indiquent que le Messie doit naître à Bethléem. Hérode invite les mages à se rendre auprès de l’enfant et à lui rendre compte.
Cf. Mathieu II : « 9 Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici, l’étoile qu’ils avaient vue en Orient marchait devant eux jusqu’à ce qu’étant arrivée au-dessus du lieu où était le petit enfant, elle s’arrêta.
10 Quand ils aperçurent l’étoile, ils furent saisis d’une très grande joie.
11 Ils entrèrent dans la maison, virent le petit enfant avec Marie, sa mère, se prosternèrent et l’adorèrent ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe … »
LES CADEAUX :
** Or : dans la Bible hébraïque, l’or est associé à la sainteté, à la pureté et à l’illumination intérieure. Métal inaltérable, il symbolise l’éternité et par sa couleur, il s’apparente au soleil, à la lumière, à la puissance et au pouvoir. L’or est le premier métal à être mentionné dans la Bible. Il est également celui qui y est cité le plus souvent, comme dans Genèse (II, 11). Un certain nombre de termes de l’Ancien testament font référence à l’or, tels que zahav (or), charuwts (or, diligent, activité), kethem, paz, seghor et ophir (אוֹפִיר), région riche en or. Lors de la construction du Tabernacle par Moïse (Exode, 25, 30, 37 et 39), de l’or aurait été frappé sous forme de feuilles pour le couvrir, et des fils d’or auraient été utilisés pour coudre les vêtements du grand prêtre. Les décorations du Temple de Salomon étaient exclusivement faites d’or. L’Israël ancien avait pour habitude de mélanger un alliage à l’or pour le rendre plus dur. David aurait mis de côté 100.000 talents d’or pour le Temple de Salomon. De nombreux ustensiles, les bassins et les coupes étaient faits d’or et d’argent. Les chérubins, les diffuseurs d’encens et les murs intérieurs du Temple étaient couverts de feuilles d’or. Salomon recevra une très importante quantité d’or de la part du roi de Tyr (120 talents), de la reine de Saba (120 talents) et des revenus tirés de sa flotte de marchands. L’or était tant chéri que, dans la Bible, il est souvent associé à la sagesse, à la foi et au savoir.
** Encens : il symbolisait les prières élevées par le grand prêtre (Psaume, 141, 2). Il brûlait jour et nuit dans le tabernacle et le temple (Exode, XXX, 7-8). Il symbolisait la prière (Psaume, 141 : 2) :
« Que ma prière soit devant ta face comme l’encens, Et l’élévation de mes mains comme l’offrande du soir ! »
** Myrrhe :
Cf. Isaïe, LX, ¾ : … les nations marchent vers ta lumière/ Les rois vers ton lever radieux /Tourne les yeux, vois : Ils s’assemblent tous, viennent vers toi…
Cf. Isaïe, LX, 6 : … tous viendront de Saba/ Chargés d’or et d’encens…
Psaume LXXI (LXX), 10/11 : … Les rois de Tarsis [תַּרְשִׁישׁ (taršîš)] et des îles lui apportent des cadeaux/Les rois de Saba et de Seva/Font des présents/Tous les rois s’inclinent devant lui/Tous les autres peuples sont ses sujets…
Un songe mit en garde les mages qui rentrèrent donc chez eux par un autre chemin. Cet évènement entraîna le départ de Joseph et Marie, avec Jésus, en Egypte et le massacre dit des innocents, événements funestes qui annoncent le tragique de la Passion. Cf. la prime enfance de Cyrus par Hérodote, in Historia (Histoires), livre I, 108 à 122.
En résumé, l’Evangile de de Matthieu est pauvre en détails sur les Mages. L’évangéliste ne donne aucune information sur le statut exact de ces personnages, ni sur leur nom, leur nombre, leur origine géographique, leur itinéraire d’aller, les conditions du retour, leur décès et le lieu de leur sépulture, la manière dont ils ont pu interpréter l’apparition de l’étoile annonçant la naissance d’un roi des Juifs. La seule précision porte sur les présents qu’ils offrent : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. [chrysós/ líbanos/smýrna] L’évangéliste n’est pas davantage prodigue en informations sur l’étoile elle-même : on ne sait rien de ses caractéristiques, ni de son trajet, ni de ce qu’elle devient après avoir rempli sa mission. Également ni étable, ni bœuf, ni âne. Le récit de Matthieu comportait de nombreux vides que l’imagination collective et individuelle se chargera de combler.
Dans le plus ancien texte pseudépigraphe (apocryphe du type évangile de l’enfance), le Protévangile de Jacques ou Nativité de Marie. Révélation de Jacques (deuxième moitié du IIe siècle), cité par Clément d’Alexandrie (c.150/c. 215), lettré grec, apologète et l’un des Pères de l’Église et Origène (c.185/c.253), théologien et exégète biblique, les mages venus d’Orient sont encore anonymes, sans plus de détails.
« Et voici que Joseph se prépara à aller en Judée. Et il s’éleva un grand tumulte à Bethléem, parce que les mages vinrent, disant : « Où est celui qui est né le roi des Juifs ? Nous avons vu son étoile dans l’Orient, et nous sommes venus pour l’adorer. »
Et Hérode, entendant cela, fut troublé, et il envoya des émissaires auprès des mages. Et il convoqua les princes des prêtres, et il les interrogea, disant : « Qu’y a-t-il d’écrit au sujet du Christ ? Où doit-il naître ? »
Et ils dirent : « A Bethléem en Judée, car c’est écrit. »
Hérode les renvoya, et il questionna les mages, disant : « Apprenez-moi où vous avez vu le signe qui indique le roi nouveau-né ? »
Et les mages dirent : « Son étoile s’est levée brillante, et elle a tellement surpassé en clarté les autres étoiles du ciel que l’on ne les voyait plus. Et nous avons ainsi connu qu’un grand roi était né en Israël, et nous sommes venus l’adorer. »
Hérode leur dit : « Allez, et informez-vous de lui, et si vous le trouvez, venez m’en informer afin que j’aille l’adorer. » Et les mages s’en allèrent, et voici que l’étoile qu’ils avaient vue en Orient les conduisit jusqu’à ce qu’elle entrât dans la caverne, et elle s’arrêta au-dessus de l’entrée de la caverne.
Et les mages virent un enfant avec Marie sa mère, et ils l’adorèrent. Et tirant des offrandes de leurs bourses, ils lui présentèrent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Et l’ange les ayant informés qu’ils ne devaient pas retourner vers Hérode, ils prirent un autre chemin pour revenir dans leur pays.3 (chapitre XXI)
Il en est encore de même dans l’Évangile du Pseudo-Matthieu, appelé aussi Livre de la naissance de la bienheureuse Vierge Marie et de l’enfance du Sauveur (V-VII siècles) :
« 1. Deux ans après, des mages, porteurs de riches présents, vinrent de l’Orient à Jérusalem. Instamment, ils interrogeaient les juifs, disant :
« Où est le roi qui nous est né ? Car nous avons vu son étoile en Orient et nous venons l’adorer. »
Ces paroles parvinrent au roi Hérode et l’effrayèrent tellement qu’il convoqua les scribes, les pharisiens et les docteurs du peuple, et leur demanda où les prophètes, avaient prédit que le Christ devait naître. Et ils dirent : « A Bethléem. Car voici ce qui est écrit : » Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es pas la moindre parmi les clans de Juda, car de toi sortira le chef qui doit gouverner mon peuple Israël. »
Alors, le roi Hérode appela les mages chez lui et s’enquit avec soin des circonstances dans lesquelles l’étoile leur était apparue, et il les envoya à Bethléem en disant : « Allez, et quand vous l’aurez trouvé, venez me le dire afin que moi aussi j’aille l’adorer. »
2 Or, pendant que les mages étaient en chemin, l’étoile leur apparut et, comme pour leur servir de guide, elle les précédait jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés à l’endroit où était l’enfant. Or, voyant l’étoile, les mages eurent grande joie et, entrés dans la maison, ils trouvèrent l’enfant Jésus assis sur les genoux de Marie. Alors, ils ouvrirent leurs trésors et donnèrent de très riches présents à Marie et à Joseph, mais à l’enfant lui-même ils offrirent chacun une pièce d’or. Et l’un offrit en outre de l’or, le deuxième de l’encens ci le troisième de la myrrhe. Et quand ils voulurent s’en retourner vers Hérode, ils furent avertis dans un songe de ce qu’Hérode avait en vue. Alors, ils adorèrent une seconde fois l’enfant et, tout joyeux, retournèrent dans leur pays par un autre chemin. »
(Chapitre XVI)

Sans doute la plus ancienne représentation des rois mages, exécutée vers 180 (Rome, Trieste Q.XVII, catacombes de Priscilla, développées du IIe au Ve siècle, à partir d’une propriété des Acilii (gens Acilia) donnée par la clarissima Priscilla).