Le commissaire Marius M. soufflait comme un taureau entrant dans les arènes d’Arles. Il faisait la Bèbe. Voilà quelques mois qu’il était le number two à l’Evêché. Le coup de téléphone montrait bien qu’il s’était fait rouster :
« J’en perds mon latin et pour peu que ça continue, c’est possible que je devienne djobi ! »
L’an du Seigneur 964, le Grand Otton, fils de l’Oiseleur, s’en revenant de mémorable vénérie à l’auroch, dans les noirs bois de l’Eifel, désira, seul être, pour remercier Dieu Tout Puissant de ses bontés à son endroit. Lors étant en train de prier le Maître des Cieux et de la Terre, un fauve blessé précédemment par lui, le chargea, tête basse, corne farouche, avec force et vigueur. Le dit noble Empereur des Romains se trouvait sans défense et à bas de son cheval, lequel s’enfuit derechef. Des femmes du pays qui glanaient à une portée d’arc de là, ouirent la scène et s’en émurent. N’écoutant que son coeur vaillant à qui rien n’est impossible, la dame du lieu, mère de douze pucelles dont sept mortes en bas âge, se rua sur la bête fumante et meuglante, jettant moult pierres tranchantes et pointues. Ce que voyant celà, les manantes firent item, et sous la pluie pierreuse, le taureau velu fut mis à bas. Otton, sauf miraculeusement, ému par le coeur des gaillardes, ordonna sur le champ, que désormais et à jamais, la terre de ces nouvelles Amazones formerait un franc-alleu relevant en droite lignée de la couronne impériale et romaine et qu’il serait transmissible uniquement par le ventre des femmes. En souvenir de cette tauromachie, le dit endroit fut nommé « la nuée des pierres ».
Manuscrit latin du XII° siècle conservé à la Landesbibliothek de Fulda.