7. Double lecture

torino_anima_tango_aldobaraldoMarius M. a du vague à l’âme. Ce matin parisien de printemps pluvieux, Monsieur le Commissaire est tango. Son esprit est aux anges, aux bons anges, à Buenos Aires. Les rythmes nés sur les bords du Rio de la Plata sont à la fois, sa musique, sa poésie, sa danse, sa foi et son espérance. Comme lui, le tango est un migrant, un déraciné et un fils du peuple qui a fait son miel de tous ses voyages, mauvais coups et humilations. Comme lui, il est né dans une ville cosmopolite, Marseille, dans le quartier de La Belle de Mai, tout semblable auxconventillos des villes argentines. Fils d’immigrés calabrais, il dut, à l’école communale du quartier, se battre contre ceux qui le traitaient de bâbi, surnom qui désignait dans la cité phocéenne, les italiens et leurs progénitures. Monsieur le commissaire aime cette musique nostalgique, complexe, métisse, sensuelle, fille des danses de couple de l’Europe centrale, de la habanera espagnole, de la milonga des lupanars et du candombé afro-américain, dans laquelle rivalisent le piano polonais, le violon yiddish et le bandonéon allemand. Pour la niène fois, Marius écoute l’inusable Mi noche triste de Carlos Gardel :

De noche cuando me acuesto
No puedo cerrar la puerta
Porque dejandola abierta
Me hago ilusiôn que volves.

Monsieur le commissaire retire les écouteurs de l’Ipod offert par ses enfants lors de la dernière fête des pères et retourne à sa lecture : 

 » Hannah Maximiliana naît au château de Gérolstein, sans doute au deuxième étage du gros donjon barlong, sombre demeure aux étroites fenêtres. Une soeur et trois frères nés avant elle sont décédés lors de sa naissance. Elle est baptisée le 1er avril 1414 en l’église Saint Pierre, par le chapelain du château, en présence du curé de la paroisse. La future Dame Hannah est tenue sur les fonds baptismaux par sa tante paternelle et son grand-oncle, Karl Anton, chanoine de la cathéderale de Mayence. Elle aura pour nourrice, Hildegarde la  Blanchisseuse, venue de Kronenburg, et dont le fils, Martin, son frère de lait, deviendra plus tard son chapelain. En 1416, un nouveau frère Otton vient au monde. Leur éducation est assurée à la fois par leurs parents, leurs tantes et leur grand-mère, Dame Hannah au grand pied, mais également par le curé-doyen  de la paroisse même si le brave clerc ne parviendra à apprendre  le latin, le grec et l’hébreu, mais également l’herborisation et la minéralogie, qu’à la fille. Un bachelier de l’Université de Prague, Gottfried, lui enseignera la géométrie grecque, l’arithmétique arabe, l’astronomie, la rhérorique et des rudiments de philosophie aristotélicienne et de médecine arabe. Le chanoine Karl Anton lui donnera le goût de l’histoire et de la cartographie et lui fera lire la poésie amoureuse des Minnesânger et les oeuvres de Maître Eckhart et du dominicain Johann Tauler, de sorte qu’elle devint une vraie humaniste. Elle entretint une correspondance avec le cardinal Nicolas de Cusa, rencontra le sculpteur Nicolas Gerhaert et le musicien aveugle Konrad Paumann et visita les presses de Jean Fust et Johann Gutenberg. Son père l’éleva comme son dernier fils survivant Otton si bien qu’elle devint rapidement habile aussi bien dans l’art de dresser les chevaux que dans celui de manier l’épée, le baton ou le long couteau… » 

Monsieur le commissaire suspendit, un instant, sa lecture : « Ô putain ! Con ! Quelle gonzesse ! Et en plus, elle devait avoir un tafanâri beau comme la porte d’Aix !

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Saint Jean aux trois Cygnes.

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