Marius M. se grattait le gauche de ses aliboufis [1], bien sûr en prenant soin de ne pas réveiller le droit, preuve chez lui, d’un intense questionnement : fallait-il tirer ou pointer quand on est mené d’un point et qu’il ne vous reste plus qu’une boule[2]. Soudain son téléphone sonna ! Pas le familial, ni le professionnel « généraliste » qu’ils avaient laissé, au demeurant coupés, dans sa veste posée sur un banc du boulodrome, mais le secret, celui qui ne le quittait jamais, le miniature, quasi-incrusté dans sa poitrine, celui relié à la Place Beauvau.
Je m’appelle Hannah comme toutes mes ancêtres directes depuis plus de mille ans. Je vous dirai plus loin pourquoi. Néanmoins, je fus la première de la lignée à ne pas avoir une kinderfrau suisse alémanique, une préceptrice française calviniste pour apprendre à lire, écrire, compter, chanter, jouer au ballon et prier et une gouvernante prussienne pour l’étiquette, les bonnes manières et le maintien. J’échappais également à la broderie, aux ouvrages à l’aiguille, à l’herboristerie, à la fabrication du savon, au clavecin et au luth, à l’art de monter la haquenée en amazone, à la gestion de la cuisine, de la chambre et des fermes, bref à tout ce qui était nécessaire à gérer la vie quotidienne das Ganze Haus [3]. L’impécuniosité de ma famille et la « débonnairitude » de mon père me préservèrent de ces contraintes. Néanmoins, je reçus une bonne éducation. Noblesse oblige[4].
Il y a quelques jours encore, j’ignorais jusqu’à l’existence du commissaire Marius M.
[1] De l’aliboufier, nom générique du Styrax Officinalis, dont le fruit apparait en été, sous la forme d’une petite drupe ovoïde de la taille (et la forme) d’une noisette, charnue, blanche et verdâtre.
[2] Nous conseillons au lecteur de se référer à Bouvier Robert, Le parler marseillais, Marseille, Ed. Jeanne Laffitte, 1986, nombreuses rééditions et à Jaque Jean, Les Cacous, le parler marseillais, Marseille, Ed. Accolades, 1996 ; Marseille, Auberon, 2001.
[3] De « la maison toute entière » d’autrefois.
[4] Nous conseillons au lecteur de se référer à Hermine de Clermont-Tonnerre, Politesse oblige : le savoir-vivre aujourd’hui, Paris, L’Archipel, 1993, 2003(2), Savoir-vivre au XXIe siècle, Paris, L’Archipel, 2013, et de ne pas le mélanger ou le confondre avec l’ouvrage cité précédemment.