Un drôle de repas. Fauvety médiateur entre théosophes et spiritistes

Le 26 décembre, Fauvety adhéra officiellement, mais du bout des lèvres, à la Société théosophique. Il est vrai que ladite association servit de plaque tournante à l’ésotérisme du dernier quart du XIXe siècle grâce à l’habileté de sa fondatrice la baronne russe Helena Petrovna Blavatskaïa (1831-1891). Avec l’aide du colonel américain Henry Steel Olcott (1832-1907), businessman, agriculteur biologiste avant l’heure, occultiste, spirite et du clerc d’avocat d’origine irlandaise (1851-1896), William Quan Judge,  elle avait fondé à New York la Theosophical Society. Pratiquement tous les occultistes du temps y passèrent un temps plus ou moins long. Fauvety écrivit quelques articles dans la presse théosophique. Mais il resta un tantinet

en retrait. Les idées théosophiques pouvaient éclairer les spirites à aller plus loin dans leurs connaissances. Ils avaient ainsi la possibilité d’adhérer à des idées théosophiques de façon individuelle, mais pas au point de les adopter toutes pour s’en constituer un corpus autonome. Fauvety aura avec Helena une correspondance « disputative ». Les réticences de Charles portaient sur la conception antiscientifique de la théosophie en général et sur les communications d’Helena avec les Frères ou Mahātmās, les maîtres de la Grande Fraternité blanche (Ordre spirituel) :

« …C’est ici que les Occultistes de l’Inde, des savants fort respectables, qui possèdent les secrets de l’antique science transmise par l’initiation ésotérique, interviennent et nous disent : « Prenez garde ; vous êtes des enfants qui épellent et vous ne savez encore rien des esprits. Or vous jouez avec le feu. Ces esprits que vous prenez pour des âmes de vos amis, de vos parents, de personnes que vous avez connues ou qui vous furent chères, et avec lesquelles vous êtes si heureux de pouvoir entretenir des relations, ne sont le plus souvent, si ce n’est toujours, que des combinaisons de forces élémentaires, ne constituant que des êtres inférieurs à l’homme terrestre doué de conscience et de raison. ». Quand on connaît la conviction qui anime les spirites et les consolations que la plupart d’entre eux puisent dans leurs relations d’intelligence et de sentiment avec les esprits qui les fréquentent, on ne s’étonne point du soulèvement qu’un tel langage a produit parmi eux et de la vivacité des réponses de ceux qui se sont faits les organes de leurs frères en croyance… »[1]

En réalité entre 1878 et 1883, on trouvait des théosophes dans la société spirite de Paris, sans que l’on sache vraiment s’ils constituaient une simple « tendance » ou une véritable société pratiquant de l’entrisme. Quoiqu’il en soit les relations entre les deux courants se dégradèrent. Fauvety semble avoir jouer un rôle de médiation entre théosophes et spirites. La crise atteindra son apogée à l’été-automne 1883 :

« Le comité de la Société scientifique d’études psychologiques avait cru être agréable à la Société théosophique de Paris en lui ouvrant à la fois le Bulletin, et des conférences pour exposer les idées théosophiques. Ce n’est pas la faute du comité, qui d’ailleurs possédait dans son sein plusieurs membres de la Société théosophique, si les représentants des doctrines de l’occultisme se sont abstenus de prendre part à la discussion. Tous les théosophes connus avaient été convoqués aux séances. Plusieurs y assistaient qui ont gardé le silence, bien que le président ait toujours offert la parole au contradicteur avant de la donner à l’orateur qui venait soutenir la même thèse que le préopinant … »[2].

Helena Blavatskaïa était épuisée par cette dispute entre spirites et théosophes. En février 1884, avec le colonel Olcott, elle quitta l’Inde, la Theosophical Society ayant son siège à Aydar (Chennai), pour l’Europe. En mars, de Marseille, ils gagnèrent Paris où Helena loua un appartement au 46, rue Notre Dame des Champs. Quelques jours plus tard, accompagné du jeune avocat bengali Mohini Mohun Chatterji (1858-1936), elle se rendit à Asnières, chez le couple Fauvety pour rencontre Leymarie. Outre Helena, Maxime et Charles, Mohini et Pierre Gaëtan, les autres convives étaient Eugène Nus et Maria Deraismes (1828-1894), républicaine, écrivaine, journaliste, polémiste féministe et future co-fondatrice de la loge-obédience maçonnique mixte Le Droit Humain (1891-3). Après trois heures de discussion et un « repas agréable », chacun demeura sur ses positions. Fauvety s’éloigna ensuite de la Société théosophique. Il n’appartint à aucun des groupes théosophes qui se constituèrent en 1884/5 : la Société Théosophique des Spirites de France avec Leymarie, Caillié et l’astronome Camille Flammarion (1842-1925), la Société Scientifique des Occultistes de France dans laquelle on trouvera Jules Jacques Toussaint Lessard/Verdad dont on reparlera et la Société Théosophique d’Orient et d’Occident, présidée par Maria de Mariategui (1830-1895), Lady Caïthness par mariage, titrée duchesse de Pomar par le pape Léon XIII, à laquelle Fauvety accordera un certain crédit dans la réorganisation de la théosophie :

« … Nous disons qu’elle sera quelque chose de plus, parce que de nombreux éléments nouveaux sont appelés à y prendre part et que ces éléments, sont pris à la fois dans l’aristocratie du talent, du nom et de la fortune. Mme la duchesse de Pomar, une très grande dame, est à la tête de la Société. Mme de Morsier[3] en est le secrétaire. Notre ancien collègue, M. Thurman, dont on connaît l’érudition variée et infatigable, en est l’un des vice-présidents. Nous souhaitons succès et longue vie à cette association et nous suivons avec intérêt ses travaux scientifique… ».

[1] Lettre du 15 juillet 1883 parue dans le Bulletin mensuel de la Société scientifique d’études psychologiques.

[2] Bulletin de la Société Scientifique d’Etudes Psychologiques, s.d [2T2 1883].

[3] Emilie Naville (1843-1896), mariée au banquier Gustave de Morsier, fut une militante suisse féministe abolitionniste, homéopathe, théosophe et magnétiseuse.

 

Extrait de HIVERT-MESSECA Yves, Charles Fauvety ou l’impossible Religion laïque, Paris, Ampélos, 2019, chapitre VIII, Entre spiritisme et théosophie, p.  192/4.

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Mari d’une pensionnaire de la Comédie-Française,

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Hôte d’un salon fréquenté par certaines élites du Second Empire,

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