L’initiation au risque des sciences humaines

L’initiation au risque de l’anthropologie in « Les Cahiers« , n° 7, Paris, AMHG, 2013, p. 120-140.

On pourrait définir l’initiation [1] comme le processus de passage d’un état réputé inférieur à un état réputé supérieur.

L’initiation est donc à la fois une admission et une accession : une admission dans un groupe (plus ou moins structuré) constitué comme inclusif de ses membres et « exclusif » de la société globale, une accession à un stade nouveau réputé supérieur de connaissance(s) et/ou de statut (grade, degré, état, âge, maturité, personnalité, stade, situation civique et/ou socio-économique, pouvoir(s), « mystères », etc.…).

Le fait initiatique est de tous les temps et de tous les climats. Cependant, il désigne des faits complexes et variés :

    • Stricto sensu, l’initiation est un processus destiné à réaliser « autrement » (en mieux, en plus) socio-psychologiquement, voire psychanalytiquement (Bruno Etienne[2]) l’individu, dans une organisation structurée, selon des rites établis et avec la conscience d’être dans un processus initiatique, comme la cryptie lacédémonienne, les sociétés d’initiation bambara comme le N’domo et le Korè[3], le compagnonnage, l’Hermetic Order of the Golden Dawn, le Misoko, corporation de devins-guérisseurs, branche thérapeutique de la société initiatique Bwete[4], les chamanes du Yukon canadien[5], la caste endogame des forgerons et des potières Dίί[6], le mithraïsme, religion initiatique à mystères ou les frères de tapis des zaouïas (loges des confréries musulmanes[7]) pour prendre des exemples divers et variés.
    • Largo sensu, l’initiation est une forme élémentaire, rudimentaire, abâtardie, dénaturée, substituée, incomplète, dérivée, imitée, et/ou primaire, dans un groupe plus ou moins organisé, et le sentiment pas toujours explicite[8] d’un processus initiatique[9] (certains rites cycliques[10], le scoutisme, certains rites d’affliction, certains groupes criminels[11], les bizutages, les rituels de la conscription, de certains clubs de supporters, de bandes de jeunes ou de chambrées, « enterrer sa vie de garçon », les « hétérotopies »[12], les rites « thanatocratiques » liés au sida dans divers milieux californiens, les TOC[13], etc.), au point de signifier, simplement une mise au courant dans un art, une science et/ou une profession (« entrer dans la vie active »). Notons que les choses que l’on répète, ne sont pas obligatoirement des « rites » largo sensu, encore que !

On notera cependant qu’il existe entre les deux tout un panel, une palette, un dégradé de formes initiatiques. L’initiation n’est pas exclusivement liée aux cultures « premières », ni à la « mentalité primitive » telle que l’avait définie Lévy-Bruhl. Il n’y a pas de différences entre la pensée des « primitifs » et la pensée des « civilisés »[14], mais simplement un « différentiel matériel » scientifico-technologique.

I.  NATURE DE L’INITIATION

Toute initiation est un phénomène complexe et ambivalent. Elle vise à introduire l’individu à la connaissance de certaines choses « cachées » et à l’agréger à un groupe, car il n’existe pas d’initiation « isolée », même si le récipiendaire peut être en apparence « seul » ou solitaire[15]. Le contenu de cette initiation consiste en un ensemble de rites et de principes éthico-pratiques plus ou moins développés qui doivent procurer à l’initié un « plus » et aboutir à une « transformation ». En effet, l’initié tout en restant le même est devenu un autre (d’où les changements de nom parfois).

L’initiation est à la fois un commencement (initio, initium) et une fin (teleté, telos), c’est-à-dire à la fois un moment/passage (ou plusieurs) et un processus dans la durée (très variable) qui font sens, à la fois signification et direction.

A.  Les trois types d’initiation

L’anthropologie distingue traditionnellement trois types d’initiation :

a) Les initiations d’âge, d’intégration sociale (quelquefois socioprofessionnelle) ou tribales (même si elles ne sont pas toujours et partout liées à ce que l’on nomme tribalisme[16] ou totémisme[17]), en général obligatoires, collectives et monosexuées (presque toujours obligatoires pour les garçons, plus rarement pour les filles, très rarement mixtes) qui font entrer les adolescente(e)s dans la société adulte et/ou préparent à l’inclusion dans la société globale, directement ou via un (ou plusieurs) groupe(s) de pairs et/ou d’âge[18]. Organisées strictement par la communauté, l’ethnie, la cité, voire l’état, en référence à ses propres valeurs, les initiations d’âge attestent toutes de l’arrachement au monde de l’enfance, à la dreaming innocence (« rêve » infantile d’un monde « enchanté »), toujours fixé à un moment crucial, signifiant de la jeunesse et de l’adolescence, et constituent très souvent un rite de life crisis, comme le décrit VictorTurner[19]. L’enseignement initiatique consiste principalement à la prise de conscience de la sexualité différenciée, de la « négativité » de l’enfance et des valeurs collectives du groupe. Très souvent par des rites d’ablation (circoncision ou excision), l’initiation veut mettre un terme à l’état infantile « androgyne » (sexuellement indifférencié) jugé « inférieur » et intolérable dans la société adulte. Cette « révélation » est suivie (précédée, concomitante) d’une mise à mort et d’une renaissance symboliques. Elle est le plus souvent accompagnée d’une mise à l’écart de l’espace collectif social et culturel et peut s’accompagner d’un mode de vie « sauvage » (cryptie, lycanthropie), d’un sevrage alimentaire, de blessures symboliques ou « réelles » (scarifications), de mutilations sexuelles.

Les initiations d’âge peuvent s’étaler sur une période longue et comporter des degrés, comme chez les aborigènes d’Australie où la remise du tjurunga[20] se fait vers vingt-cinq ans, mais où l’initiation (processus) se poursuit encore une vingtaine d’années. Les Bassari[21] ont cinq classes d’âge : les enfants, les « initiables » taillables et corvéables à merci (15-21 ans), les o-palug (21-27 ans) qui doivent baisser la tête et manger les restes, les o-dyar (27-33ans) qui ont quelques responsabilités et les ainés qui dirigent. Pourtant, dans de nombreux cas, il n’y a pas un âge « administratif » pour être initié, mais un temps où cela a un sens.

Les initiations d’âge féminines sont plus rares. Elles ont lieu généralement lors de la première menstruation. Les jeunes filles sont alors « séparées » de leur famille, parfois recluses, parfois mises à l’écart (mais presque toujours dans ou à côté du village parental), parfois soumises à des interdits, parfois à des épreuves physiques ou des sévices (incisions corporelles, scarifications, piqûres d’insectes, perforations des lèvres, notamment chez les amérindiennes, défloraison avec le doigt, excision, etc.). L’initiation fait la part belle aux purifications par des bains (eau, boue), des fumigations, des « boissons », des danses et des chants, avant la réintégration dans la communauté. Parfois elles retrouvent les garçons initiés de leur côté, mais très souvent hors du village, distinction territoriale qui symbolisent que les adolescents naissent pour la vie « civique » alors que les jeunes filles viennent au monde pour la vie familiale et communautaire.

b) Les initiations « religieuses », le plus souvent volontaires, individuelles et monosexuées, parfois mixtes qui donnent accès à des sociétés secrètes (parfois étendues à l’échelle d’une ethnie comme les Hopis[22] ou les Mendé[23]) ou à secrets, ou à des confréries, corporations ou associations plus ou moins fermées, discrètes ou confidentielles, qui font entrer les « profanes » dans un groupe particulier et qui conduisent à une mise de côte plus ou moins grande. Le passage se fait d’un monde « profane » à un monde « sacré », de la société globale à une société « à secrets »[24] ou « à mystères ». Il faut cependant clairement distinguer ces dernières des sociétés secrètes, clandestines, très souvent prohibées et combattues par la société globale et/ou l’appareil d’état. Leurs buts sont le plus souvent connus (en totalité ou en partie, au moins par une fraction de ses membres), mais également par tout ou partie de la société globale, soit par la propagande de ses membres, soit par la « publicité » faite par ses adversaires. Les sociétés secrètes ne doivent pas être confondues avec les associations clandestines, comme les mouvements de résistance dans un régime totalitaire et/ou un pays occupé, bien que parfois les frontières entre les deux soient floues (Carbonari, Irish Republican Army, etc.), ou avec les groupes terroristes. On peut néanmoins distinguer deux grandes formes de sociétés secrètes : les « politico-judiciaires » qui sont amenées à disparaître (ou à s’institutionnaliser) sitôt leurs buts atteints (Sainte Vehme, Illuminati de Bavière, Ku-Klux-Klan, Sinn Fein) et les sociétés secrètes criminelles (Mafia, Camora, ‘Ndrangheta[25]). Cependant, certaines sociétés secrètes peuvent avoir des structures initiatiques plus ou moins élaborées. Ainsi l’entrée chez les Yakuza[26] japonais passe par un impressionnant rituel d’initiation. En revanche, les sociétés « à secrets » ou « à mystères » sont fermées, discrètes, feutrées, parfois secrètes (clandestines) lors de persécutions ou d’interdictions. Elles n’ont de secret que leur fonctionnement interne, leurs secrets « opératifs » et/ou « alchimiques », parfois tout ou partie de leurs membres. Elles peuvent cependant avoir pignon sur rue, comme les Mystères d’Eleusis dans la cité d’Athènes ou la franc-maçonnerie dans les pays anglo-saxons ou scandinaves. Comme elles ont un « secret » à transmettre, elles sont presque toutes des associations initiatiques (certains cultes dionysiaques, orphiques, néo-pythagoristes, gnostiques, le mithraïsme, Rose-Croix, etc.).

On remarquera enfin que les initiations « religieuses » (ou « magiques ») ne sont pas des processus mystiques. La voie initiatique et la voie mystique ne se recoupent pas nécessairement, même s’il existe des initiations mystiques. Pour faire simple, l’initié est un « actif-passif » alors que le mystique est un « passif-passif », mais il s’agit d’un autre problème.

c) Les initiations« magiques » électives[27] par lesquelles certaines personnes devenues des acteurs sociaux spécifiques « reçoivent » des « pouvoirs » en fonction de divers critères (infirmité, dons, signes, taches, horoscope, personnalité aberrante, comportements bizarres et/ou asociaux, névroses, etc.). Une fois « reçues » (=initiées), elles abandonnent leur condition humaine « ordinaire » pour accéder à la possession de pouvoirs surnaturels. Cette acquisition ne peut se réaliser que par la transgression des règles sociales[28] (meurtre, inceste, cannibalisme, errance, transe, jeûne, drogue, etc.). L’initiation est « supra-humaine », car menée par les esprits. La « reconnaissance » est faite par la communauté des non-initiés, mais futurs « utilisateurs » des pouvoirs du récipiendaire. Les cérémonies publiques qui suivent cette initiation se contentent de reconnaître la nouvelle personnalité du chaman, du medecine-man ou du sorcier au moyen d’épreuves (marcher sur des braises, nager sous la glace, etc.), de gestes symboliques (escalader un arbre-échelle = montée du chaman au Ciel), voire de simples fêtes. Dans le chamanisme sibérien, il existe des signes de la « maladie initiatique ». Ces symptômes signifient que le futur « élu » est entré en contact avec les esprits. En Sibérie[29], l’élection chamanique n’est jamais considérée comme obligatoire ou volontaire, mais comme une calamité. Le néophyte doit accepter son sort et commencer à se chamaniser. Au bout de quelques années, après en général une hiérogamie et divers voyages à travers le temps et l’espace, les siens vont le reconnaître comme tel, c’est-à-dire admettre qu’il a été initié chamane par les esprits. L’initiation chamanique a pour principal objet l’obtention de moyens de subsistance (gibier, poisson, chaleur), la guérison, la gestion des âmes et l’apprivoisement des esprits. Les femmes peuvent être chamanes (l’endogamie est importante) mais en général, elles ne peuvent pas atteindre les degrés d’initiation des hommes ou pratiquer certaines cérémonies. Il existe néanmoins, à travers le temps et l’espace, diverses initiations magiques féminines destinées à constituer un corps de spécialistes de la gestion de la magie, de la chiromancie, de la divination, de la sorcellerie, de la « médecine », de l’accouchement ou du chamanisme.

B.  Initiation et mythe

L’initiation est plus ou moins liée aux légendes, aux histoires, aux archétypes et aux mythes. Le mythe est à la fois le produit d’une imaginaire « transhistorique », voire « transculturel », archétypal (Jung[30], Durand[31]), inspiré par l’observation de la nature (Muller[32]) et/ou de la société (Freud[33]) et s’imposant car apportant des réponses à nos inquiétudes et/ou à nos désirs plus ou moins conscients, une collection de symboles dont l’agencement obéirait aux seules contraintes intellectuelles (imaginaires) et dont la fonction serait de conserver une vue systématique, « globale » structurelle du monde (Lévi-Strauss[34]) et une « idéologie » chargée d’enjoliver le réel et/ou le rendre « acceptable », voire désirable (Barthes[35]).

Le mythe est un récit fondateur. D’emblée, il se distingue d’autres textes avec lesquels il est étroitement lié.

Tout mythe n’est pas lié au phénomène initiatique, mais toute initiation est en liaison (au moins implicite) avec le mythe. C’est pourquoi les structuralistes vont considérer que mythes, rites et systèmes socioculturels sont indissolublement unis. Cependant, un même mythe (pas nécessairement archétypal) peut être mis en scène par des rites initiatiques (ou autres) différents. En revanche des rites initiatiques (ou autres) semblables peuvent renvoyer à des mythes différents. Des rites de passage se maintiennent alors que les mythes qui s’y rattachent n’ont plus de sens aux yeux des acteurs qui le pratiquent. A partir d’un état d’équilibre toujours hypothétique, le « climat » de la société changeant, des mythes et des formes initiatiques naissent, se transforment et meurent[36] à des rythmes différents[37]. Enfin à la différence d’un certain discours maçonnique qui oppose lecture symbolique et démarche rationnelle, l’initiation relève à la fois du muthos et du logos, le symbolisme n’étant qu’un des langages de l’initiation (le symbolisme n’étant ni une pensée primitive, secondaire ou irrationnelle).

C.  L’initiation ou la dialectique du dedans/dehors

La transformation initiatique requiert tant la barrière du « secret » (même si l’initiation peut être en partie publique) qu’un jeu réciproque et subtil de « mystification » et de stimulation entre les initiés (initiateurs) et les non-initiés. En fait, elle implique la division du champ social en un dedans et un dehors, soit au moins en deux groupes à la fois séparés et unis par l’opération initiatique qui crée et définit le premier par « exclusion » formelle, substantielle et/ou symbolique du second. Aucune société initiatique ne peut admettre que la non-initiation est « supérieure » à l’initiation. Au mieux, elle « dit » (mais le discours des acteurs sociaux est « signifiant », mais pas obligatoirement « pertinent ») qu’il peut exister une (ou plusieurs autres) voie(s).

Cependant antagonisme ne signifie pas guerres, conflits et affrontements, mais échanges, allers-retours, processus dialectiques, mais néanmoins toujours un tantinet « inégalitaires » : l’en-dedans sur l’en-dehors. A ce titre, la majorité des initiations masculines est typique de cette ambigüité. Les initiations masculines requièrent non seulement la séparation, mais la « coopération » rituelle des deux sexes. Coopération « inégalitaire » car leur corpus central consiste très souvent à l’appropriation mimétique des propriétés, des capacités et/ou des vertus de l’autre sexe : de la conception et de l’accouchement mis en scène lors de la « renaissance » du néophyte, de la menstruation minée par subincision du pénis[38], de l’allaitement par ingestion du sperme des initiateurs[39], des rites « pseudo-procréatifs » interprétés comme manifestations particulières d’une « envie du vagin » universelle et inconsciente[40]. Ainsi, les dites initiations réalisent à la fois la séparation sociale des sexes, légitiment la subordination des femmes aux hommes, érigent en principe cosmique la domination masculine en s’appropriant, en « volant » symbolique des propriétés du sexe féminin et en les intégrant à l’identité masculine, devenue ainsi « double » et donc supérieure.

Cette séparation du dedans/dehors est spatio-temporelle. Elle met en relation dialectique le sacré, le sanctifié, le sacralisé, le pur, le circonscrit et/ou le « séparé » (qodesh/qadosh ; harram ; sacred/holy) et le profane, l’ouvert, l’indifférencié, l’impur et le passage de l’un à l’autre.

Le sacré relève du divin, du « supranaturel », du transcendant, même s’il existe un sacré immanent, « séculier » dans certains aspects ou formes du politique, de l’art, de l’esthétique ou de manifestations collectives « profanes ». De même le religieux englobe le sacré, mais le religieux n’épuise pas tout le sacré et ce dernier peut prendre des formes non religieuses. Quoi qu’il en soit le sacré n’est pas un accident géoculturel de l’histoire humaine, une « pensée primitive » appelée à disparaître avec la modernité, mais une structure permanente de notre « construction » psychologique et de notre relation au monde[41].

Le sacré induit l’initiation (et pas réciproquement) car le passage du profane au sacré ne peut pas être un simple passage, banal, ordinaire, insignifiant. On pourrait (re)définir l’initiation comme le parcours (mouvement, processus) vers la sacralité, l’entrée dans l’espace-temps sacré. Compte tenu de sa nature spécifique, le(s) « voyage(s) »’ne peu(ven)t pas ne pas avoir, au moins, un fondement initiatique[42]. L’initiation sert à revivifier la condition humaine au contact du sacré. L’individu n’« existera » que s’il est intégré dans la société ou le groupe par une mise en relation rituelle avec le sacré tel que le définit son groupe d’appartenance et/ou d’élection.

D.  Invariants de l’initiation

Le paradigme initiatique repose sur ce qu’à la suite de Lévi-Strauss et de Jacques Bergues, on nomme mythèmes et ritèmes, c’est-à-dire les unités minimales élémentaires à partir desquelles sont construits les mythologies et les rites dans leurs infinies variations. On peut donc répertorier, dans les initiations, à travers le temps et l’espace, les séquences suivantes (dans un ordonnancement différent) :

    1. un récit, au moins, fondateur « mythique » légitimant ;
    2. une réclusion « prophylactique » avec un dépouillement physique et/ou vestimentaire ;
    3. une (ou plusieurs) époptie(s) dévoilées par la « contemplation » de symboles et le mytho drame, plus simplement une représentation « théâtrale » du mythe et de l’enseignement du secret ;
    4. un rituel de purification(s), lié aux éléments (en général quatre ou cinq) ;
    5. un ou plusieurs voyages unidirectionnels, avec des marches et des circulations précises ;
    6. une guidance, car le récipiendaire est toujours « accompagné » même de loin ;
    7. une chute/descente/passage, ou plusieurs, suivie d’une montée/passage/élévation ;
    8. une eschatologie, c’est-à-dire à la fois un but et une fin ;
    9. une uchronie c’est-à-dire la description d’un « meilleur des mondes » situé dans l’ailleurs spatio-temporel (le voyage initiatique relève de la quête d’un monde meilleur) ;
    10. une eurythmie, à la fois corps et esprit à l’unisson, et harmonie des sons, des formes et des couleurs en rapport avec l’espace-temps séparé donc sacré ;
    11. des « marquages » sur le corps, des épreuves physiques réelles ou symboliques, des tatouages, des scarifications, des blessures, des mutilations ;
    12. le refus, le recul, la crise, le rire nerveux, l’hystérie, la catalepsie, liés à la peur ;
    13. le questionnement de la fin/finitude/but/dessein ;
    14. la mort/résurrection.

Si l’initiation est universelle, elle l’est non par ses formes, mais par ce qu’il y a d’anthropologiquement universel : la naissance, le sexe, la vie et la mort.

II.  INITIATION ET RITES DE PASSAGE

L’initiation s’exprime dans des rites de passage, des plus courts et simples, voire simplistes, aux plus longs, complexes et élaborés, comportant des étapes et/ou des degrés. On notera, tout de suite, qu’un passage ne s’accompagne pas obligatoirement de rite (encore que !) : ainsi le procès pénal est-il le lieu de passage de l’état d’accusé à l’état de coupable, ou éventuellement d’innocent.

A.  Formes initiatiques et rites de passage

La quasi-totalité de ces rites de passage sont en relation avec la vie, l’amour, la sexualité, la mort et « l’après-mort ».

Plus difficile à voir et à admettre par les acteurs sociaux, ces rites sont plus ou moins associés au ici et maintenant/ là-bas et demain, pur/impur, licite/interdit, tabou/totem et sacré/profane. On remarquera cependant que dans les sociétés « désenchantées », on assiste à l’émergence de formes initiatiques désacralisées[43] selon un mode « dramatique » : Break/Crisis/Redress/Reintegration. Ainsi du bizutage qui peut être assimilé à un rite de passage et à une initiation largo sensu[44], dans la mesure où il permet, « croient » (disent) les bizutés et les bizuteurs, d’accéder à un nouveau statut et de faire partie d’un groupe[45].

S’il n’y a pas d’initiation sans rite (même succinct) de passage, si l’initiation est le prototype des rites de passage, le rite sui generi (ni même de passage) n’induit pas obligatoirement l’initiation. Ainsi la religion romaine était fondée sur le culte, non sur le dogme. Elle ne comportait ni initiation, ni véritable enseignement. Etre religieux, être pieux consistait à respecter scrupuleusement les rites cultuels destinés à honorer les divinités considérées comme des partenaires bienveillants (ou à apprivoiser) des mortels dans la gestion du monde.

En revanche, les rites de passage relèvent, peu ou prou, d’un processus initiatique, au moins largo sensu, et l’initiation (ou au moins les « structures » initiatiques) peut comporter des rites autres que de passage. Ainsi, on observera qu’entre pairs, les initiés observent divers rites, notamment des « rites d’interaction » (règles d’échanges, façons de se tenir, gestes protocolaires, etc.), qui n’entrent pas dans le processus initiatique, mais assurent la cohésion, le bon fonctionnement et la vitalité du groupe initiant (« initiateur »).

Pour qu’on puisse parler de rite (et donc de rite de passages dont ils constituent une famille), il faut :

    • une conduite particulière, collective et individuelle ;
    • le corps comme support/matière du symbolisme et du rite[46] ;
    • des situations et des règles précises codifiées, même si l’improvisation est admise ;
    • la répétition de quelque chose d’une autre conduite, destinée à être répétée ;
    • un sens vécu et une valeur symbolique pour les acteurs et témoins ;
    • une efficacité qui ne s’épuise pas dans l’enchaînement apparent des causes et des effets ;
    • une attitude mentale de l’ordre de la « croyance » et un certain rapport au sacré.

On peut ainsi dire que le rite est gratuit en son principe, répétitif dans son rythme, fondateur par nature, communautaire (collectif) par destin, personnel et « personnalisateur », « purificateur » et festif[47]. On pourrait dire la même chose de l’initiation.

B.  La théorie « classique » des rites de passage

C’est Arnold van Gennep qui, dans la « ritologie » naissante, va formaliser les Rites de passage[48] (1909). Il nomme ainsi tous les rites qui, de près ou de loin, concernent l’entrée ou la sortie[49] par rapport à un groupe social. Ces rites correspondent à un modèle spatial et présentent une analogie entre la dite entrée ou sortie et le franchissement « réel » d’un seuil, d’un passage, d’une frontière. A v G montre que les rites de passage sont toujours structurés en trois phases « consubstantielles »=structurantes=analogiques à un processus initiatique :

    • le temps « préliminaire » (« avant le seuil » = pro-fanum) avec séparation de l’état et/ou du lieu antérieur(s) ;
    • le temps « liminaire », c’est-à-dire « sur le seuil », avec marginalisation (entre deux) (c’est ce moment qui est, si l’on peut dire, le plus intensément initiatique) ;
    • le temps post-liminaire avec agrégation au nouveau statut.

La structure tripartite des rites de passage varie selon les contenus. La phase de séparation est ainsi plutôt associée à la mort.

Pourtant certains rites de changement d’état (grossesse, naissance, mariage, obsèques) n’appartiennent pas (ou pas entièrement) à des processus initiatiques, mais, dans de nombreuses sociétés, la femme enceinte est l’objet d’évitement. Elle est, selon les cas, recluse, ou mise à l’écart, obligée de changer de résidence, soumise à toutes sortes d’interdits (marginalisation), puis plus ou moins rapidement réintégrée dans le groupe (agrégation). Il arrive, parfois, que la mère acquiert, après la naissance de son enfant, un statut nouveau. Nous sommes bien dans des rites de passage tels que les définit Av G, qui peuvent s’apparenter aux rites initiatiques. Inversement, tous les changements d’état, de statut, de grade ne donnent pas lieu à des rites de passage.

De même, les rites initiatiques peuvent assurer les mêmes passages, mais dans des formes différenciées notamment pour les sexes. Ainsi les novices des deux principales initiations sénoufo n’expérimentent pas la même souffrance. Quand les impétrants de l’initiation au poro endurent une souffrance principalement physique, l’impétrante de l’initiation au sandogi est soumise à une souffrance essentiellement morale, qui prend la forme d’un doute concernant l’authenticité de son élection : un génie l’a-t-il véritablement choisie pour subir l’initiation au sandogi, ne mourra-t-elle pas pour l’avoir indûment subie ?

On peut enfin repérer dans l’initiation, deux grandes catégories de rites, ceux dits life-crisis ou individuels qui ponctuent la vie de l’individu et ceux qui intéressent la société, le groupe, la confrérie pris comme totalité. Les premiers (naissance, puberté, fiançailles, mariage, grossesse, accouchement, funérailles), même s’ils ne sont pas implicitement inclus dans un processus initiatique stricto sensu, présentent la structure tripartite des rites de passage. Ainsi des funérailles, avec la phase de séparation du défunt d’avec le monde des vivants, suivie d’une période de mise en marge pour les survivants (deuil exprimé par exemple par les veillées funéraires), et terminée par une agrégation souvent double (le défunt (ou son âme) agrégé au monde de l’au-delà, à la société des morts ou au statut des ancêtres, et les vivants réintégrés dans la société globale, avec souvent la permission pour la veuve (et parfois le veuf) de se remarier.

Les rites centrés sur le destin social de l’individu peuvent parfois relevés du fait initiatique. C’est quelquefois le cas des rites cycliques ou saisonniers agraires ou des rites liés à un changement collectif (départ pour la guerre ou pour la chasse). C’est aussi le cas de certains rites d’intronisation. Le roi (quelquefois la reine) mort et ses funérailles célébrées, la phase liminale est souvent marquée par des rituels d’inversion (Chez les Agni de Côte d’Ivoire, l’interrègne est assumé par un esclave-bouffon). La marginalisation est soulignée par l’inversion temporelle des rôles, avec des insultes au roi, pendant deux ans, comme chez les Ashanti du Ghana. Le cycle se clôt en général par des manifestations remettant les choses dans l’ordre « naturel ».

Les rites pubertaires occupent une place à part, car ils ont une dimension à la fois individuelle et collective. Ils s’inscrivent quasi-toujours dans le fait initiatique. Comme dans tous les rites de passage, le symbolisme de la mort/renaissance y joue un rôle central. Largement étudiés, les rites initiatiques pubertaires ont pu être considérés comme l’archétype de l’initiation, bien qu’ils se présentent sous des formes différentes selon les climats et qu’ils introduisent à une classe d’âge, une organisation sociale, un savoir socioprofessionnel et/ou « ésotérique ». Ils ne se distinguent pas toujours des rites initiatiques non pubertaires, notamment ceux d’admission dans une confrérie, d’autant que diverses sociétés ont plusieurs rites d’âge successifs et/ou des confréries « obligatoires » où l’âge et le savoir se mêlent, comme dans des confréries de bergers peuls (Dozo Toon) ou des chasseurs mandingues.

C.  Vers une nouvelle lecture

Les Rites de passage définis par A v G sont devenus, dans une certaine mesure, « idéal-typiques ». Ils ont eu le mérite d’inscrire le phénomène initiatique dans la dynamique sociale, mais n’ont fourni aucune explication de type fonctionnel.

Il faudra attendre presque un demi-siècle pour que les travaux d’A v G soient revisités. En 1962, l’anthropologue britannique Max Gluckman (1911-1975) développe l’idée que les rites de passage visent à résoudre prioritairement les tensions sociales[50].

En 1969, Victor Turner remarque que dans le temps liminaire de certains rites de passage (y compris certains de ceux relevant directement de l’initiation) existent une phase plus ou moins longue, plus ou moins violente, d’humiliation et de maltraitance. Turner propose d’associer ces pratiques au concept de communitas, c’est-à-dire à une communauté homogène, « égalitaire », temporaire, anonyme (silencieuse), fondée sur des liens interpersonnels, opposée à la société globale et composée de néophytes tous égaux dans la soumission. On y retrouve fréquemment les thèmes de la continence sexuelle des novices, de leur stérilité temporelle, et de leurs faiblesses, impuretés, silence(s).

Pourquoi l’entrée dans une communitas s’accompagne-t-elle de vexations ? C’est que les rites de passage sont comme les rites d’inversion (bouffon, carnaval), sauf que là, la fête terminée, chacun ne retourne pas à sa place, mais chaque initié occupe sa nouvelle place. Les rites de passage (y compris ceux directement liés à l’initiation) donnent à voir, mais modifient également, et par là-même réaffirment les hiérarchies sociales. Très majoritairement, les rites initiatiques féminins diffèrent des masculins, en ce que le statut final auquel ils donnent accès se trouve être un statut de subordination sexualo-sociale. Aussi, il est alors bien moins question d’abaisser pour élever que d’initiation à un réseau d’obligation, même si le statut de mère est considéré comme supérieur à celui d’épouse, et ce dernier à celui d’adolescente. Demeure le cas des formes initiatiques liées à la hiérogamie, où l’élue obtient un statut « supérieur » corrélé à sa vie sexuelle (vestales ou hiérodules).

Nicole Belmont[51] a enfin avancé que la plupart des rites de passage s’identifiaient à la naissance dans sa réalité la plus anatomique, redonnant auxdits rites un fort contenu initiatique.

Aussi peut-on considérer que l’initiation n’est pas simplement la variante principale, archétypale des rites de passage, mais une forme synthétique au moyen desquels elle opère. Tripartite ou non, la propriété essentielle n’est donc pas de légitimer un changement de statut ou d’état social ni d’homologuer des faits naturels comme la puberté ou la différence des sexes. Elle consiste à engendrer une identité sociale au moyen d’un rituel et à ériger ce rituel en fondement axiomatique de l’identité sociale qu’elle produit. L’initiation est un rite identitaire qui contient donc le principe de sa propre répétition. On ne devient « homme » gbaya[52], « femme » bemba[53], franc-maçon, « monture » orisha[54] ou chamane, qu’en vertu d’une opération dont on ne saurait être l’objet sans en devenir l’agent, et inversement. D’où le fait que l’initiation peut se passer de toute référence « religieuse » à un principe qui la transcende (ce qui n’est que minoritairement le cas).

Pour l’anthropologie, l’initiation n’est donc ni un simple rite de passage ni un processus d’apprentissage continu (contrairement à un certain discours maçonnique sur le sujet) mais un rite de formation discontinue et irréversible de l’individu en représentant d’une catégorie sociale dont l’attribut essentiel est l’expérience commune et transitive de cette transformation purement culturelle (en opposition avec le discours des acteurs sociaux, notamment pour les initiations électives)

III.  INVARIANTS ET FONCTIONS DE L’INITIATION

Sous des formes très variées et à des densités très différentes, l’initiation se situe à quatre niveaux, pas hiérarchisés :

    • social, sociétal, économique, pédagogique et/ou professionnel ;
    • historique (toutes les sociétés ont une « histoire ») et/ou culturel ;
    • psycho-sexuel, thérapeutique, cathartique, psychanalytique et/ou ethno-psychiatrique ;
    • herméneutique, anagogique.

On pourrait schématiquement dire que l’initiation fait quelque chose, sert à quelque chose, traduit quelque chose et dit quelque chose.

A.  La fonction sociale de l’initiation

C’est Emile Durkheim[55] qui mit en évidence et théorisa la fonction sociale du rite. Pour lui, le sacré est une « projection », une « superstructure » comme diraient les marxistes, de la société globale. La force du rite est donc de créer une « communauté morale » à la fois intellectuelle et affective. La conception durkheimienne eut une influence durable sur les théories anthropologiques des rites. Plus tard, les anthropologues fonctionnalistes (Malinowski, Radcliffe-Brown)[56], ont soutenu que les rites, initiatiques ou pas, sont des dispositifs de régulation des rapports sociaux dans des groupes plus ou moins ouverts, des associations socio-économiques, des organisations hiérarchiques ou des sociétés sans état. Ils ne consistent pas seulement en cérémonies collectives et/ou en liturgies « sacrées » (rituels), mais ils investissent de nombreux actes de la vie quotidienne. Cette conception a repoussé, au second plan, la distinction sacré/profane, et a ainsi considérablement élargi l’usage des mots rites et rites initiatiques[57].

Néanmoins, l’initiation fait référence à des séquences d’actes ordonnés et prescrits, répétitifs, expressifs et dramatiques, à des comportements standardisés, à des attitudes collectives qui semblent ne pouvoir être expliquées qu’en termes de rationalité (de fins et de moyens) et qui s’appuieraient sur des expressions symboliques, c’est-à-dire des représentations qui tiendraient lieu d’autre chose. L’initiation crée et/ou perpétue régulièrement et/ou cycliquement des « sentiments » collectifs, avantageux socialement et moralement pour l’association, le groupe, la confrérie, la société globale ou la cité. De même, l’initiation a une fonction d’intégration, de « légitimisation » et de perpétuation d’un groupe social, plus ou moins fermé, plus ou moins vaste, y compris dans les rituels initiatiques de rébellion, dans lesquels normes et valeurs semblent s’inverser. Dans les groupes où les rôles sont peu différenciés, l’initiation permet une plus grande visibilité et lisibilité des différences de degré et/ou de statut, d’où des interdits (ou des obligations) de diverses natures (alimentaires, vestimentaires = décors bleus, rouges, noirs ou blancs).

L’initiation participe de l’intégration sociale, mais la fonction sociale de l’initiation n’est pas toujours la même puisque selon les cas, elle permet l’insertion de l’individu dans la société, à une place assignée ou non, ou inversement elle se fixe pour but de « séparer » certains acteurs sociaux des autres, avec entre ces deux extrêmes, tout une gamme de situations.

En effet, dans certains cas, l’initiation ne peut engendrer une identité sociale que dans un rapport « antagoniste » au monde du dehors. Elle crée son propre monde avec ses rites, son symbolisme, son corpus et son « savoir ». Elle induit, peu ou prou, que son efficacité lui est immanente, « consubstantielle », sinon à quoi bon en être si elle est inefficace ou même pas plus efficace que d’autres ! La condition ontologique de sa reproduction définit l’identité même de ses adeptes. Si le poro « fait » les hommes » sénoufo, c’est qu’il n’y a pas d’« homme » sénoufo qui ne soit pas fait par le poro. On comprend pourquoi to make mason est à la fois équivalent d’initier, mais peut être plus judicieux.

Parce qu’elle est à la fois normative, « légitimante » et porteuse de mobilité sociale, l’initiation participe de la prévention des conflits sociaux comme l’a montré Victor Turner[58]. Elle est aussi une « école », une pédagogie, une propédeutique, un lieu d’instruction, de formation, de mémorisation, d’apprentissage.

Pour résumer, on peut donc dire que l’initiation produit ce que les sociologues appellent un ethos et un habitus.

B.  Initiation et culture

Même si l’initiation est anthropologiquement universelle, elle s’exprime dans et par des cultures particulières. L’initiation est un fait de culture. L’analyse actuelle peine encore à quitter la thèse de Lucien Lévy-Bruhl (1857-1939) sur la différence radicale entre la mentalité « prélogique » des peuples primitifs et celle des civilisés[59].

Progressivement, le « culturisme », dominant dans les années 1930-1960, théorisé par Franz Boas (1858-1948) et ses élèves, notamment Ruth Benedict (1887-1948) et Margaret Mead (1901-1978) va imposer d’autres paradigmes : chaque culture est un ensemble de coutumes, de croyances, de modes de vie formant un tout propre à chaque société mais avec des invariants anthropologiques et des mythes et des formes culturelles (notamment les rites) divers. La culture est plus déterminante que les conditions biologiques ou sociales pour comprendre les comportements.

Benedict Ruth insiste sur les différences de personnalité et de comportements selon les cultures. Elle oppose deux grands patterns (profils) culturels : apollinien et dionysiaque. Le premier correspond à la culture des Indiens pueblos, jugés équilibrés, vivant dans une communauté soudée et conformiste. Le profit apollinien se réfère aux indiens Kwakiutls, des plaines, passionnés, agressifs, dépressifs et individualistes[60]. Une particularité culturelle (attitude face à la guerre, rite d’initiation, etc.) est donc à la fois un produit et un facteur de consolidation d’un pattern de culture.

Margareth Mead, dans ses deux principaux ouvrages[61], remet en cause l’universalité des troubles adolescents, la notion de mentalité prélogique chère à Lévy-Bruhl, et le rapprochement entre mentalité primitive et mentalité enfantine avancé par Freud. En 1935[62], elle publie un ouvrage où elle théorise, à partir de l’analyse de trois groupes culturels distincts de Nouvelle Guinée (Arapesh, chambuli, mundugumor), la manière dont la culture façonne les rôles distincts des hommes et des femmes, et ipso facto les rites de passage.

Presque concomitamment, une autre thèse s’impose avec Bronislaw Malinowski (1884-1942)[63], et Alfred R. Radcliffe-Brown (1881-1955)[64] et Edward Evans-Pritchard (1902-1973)[65] : les sociétés s’expliquent par leur présent. Leurs institutions, mythes, rites et croyances doivent être rapportés les uns aux autres car ils forment des « tout fonctionnels » c’est-à-dire tournés vers un même but. Autrement dit, chaque élément de la culture possède une certaine tâche à accomplir -une fonction-, qui présente une part irremplaçable de la totalité organique : l’initiation participe de ce « fonctionnalisme »[66]. Malinowski contestera l’idée de l’universalité du complexe d’Œdipe et celle du mythe du meurtre du père dans certaines sociétés humaines et initiations[67].

Le structuralisme mettra en évidence que les productions culturelles obéissent à des règles de construction commune qui sont des structures mentales universelles.

D’autres pistes se sont ouvertes plus récemment encore. La culture serait une sorte d’inconscient social : un système de valeurs et de croyances dans lequel les individus baignent sans en avoir pleinement conscience. Dans cette optique, la division entre initiation « obligatoire » et initiation « volontaire » serait largement caduque. Inversement d’autres prônent une vision plus dynamique de la culture. Aussi doit-on signaler que les initiés n’adhèrent pas tous au même bloc de « croyances », ni avec la même intensité. La société initiatique n’est donc pas un groupe homogène. Entre l’individu et son initiation (corpus et groupe), s’opèrent sans cesse des réinterprétations, une distance critique, un détachement et/ou des syncrétismes. L’anthropologie cognitive (qui s’est développée à partir des années 1990) considère que la culture est un produit de la sélection « naturelle » qui vise à résoudre des problèmes adaptatifs précis. L’initiation participerait de ce processus, mais en utilisant des invariants culturels.

Les Cultural Studies[68], courant de recherche à la croisée des domaines de la sociologie, l’anthropologie culturelle, la philosophie, l’ethnologie et l’économie culturelle, ont sans doute beaucoup à dire encore sur l’initiation.

C.  Initiation et psychanalyse

Assez rapidement, la psychanalyse a fait de l’interprétation des rites initiatiques, un de ses champs préférés d’étude.

Selon elle, les sévices que doit subir l’initié exprimeraient l’hostilité du père (ou de ses substituts) envers le fils. La circoncision serait à la fois la punition du désir de l’inceste chez ce dernier et une manifestation de castration symbolique de l’enfant par le père, impressionnant, grâce à la forme dramatique qu’elle revêt, l’inconscient du candidat. Par ce traumatisme, la libido serait détachée de la figure maternelle, soit pour s’écouler sur les autres hommes, ses cocandidats à l’initiation, sous la forme de l’homosexualité désexualisée (passage de l’attachement à la mère à la conscience d’appartenir à la société des hommes), soit pour s’écouler sur d’autres femmes que sa mère (l’initié acquiert par la circoncision le droit de fonder désormais sa famille et de se marier). Ainsi, le cérémonial initiatique correspond à une mise en scène de la liquidation du complexe d’Œdipe. L’initiation comme la couvade et les rites de puberté ne seraient pas une « renaissance » mais une « réincarnation »[69]:

« Cette re-naissance est un détachement de la femme et doit lier les adolescents plus étroitement à la société masculine. Sa motivation la plus profonde est la tendance devenue inconsciente d’entraver la réalisation de l’inceste. La pensée de sublimation et de l’initiation sacrée a certes, à une époque beaucoup plus avancée, pénétré dans les rites et dans les mystères…. »[70].

En même temps, les psychanalystes ont insisté sur la nature compensatoire du rituel : une chose est retirée (l’initié sera soumis à des tabous), mais une autre chose est donnée («la scène primitive », c’est-à-dire l’union sexuelle du père et de la mère, dont la vision était interdite à l’enfant, est révélée lors de l’octroi du churinga/tjurunga) ; mieux encore, l’initiation aurait pour fonction essentielle la formation du surmoi, et le caractère particulier du surmoi chez les «primitifs» par rapport aux Occidentaux tiendrait à ce que, l’initiation n’existant pas en « Occident »[71], notre surmoi se forme par l’intériorisation du père, tandis que chez les «primitifs», il resterait extérieur à l’ego et collectif : les anciens se déchargent de leur hostilité sur les jeunes, leurs rivaux sexuels, et par la peur les font obéir à la tradition[72].

Cependant, d’autres psychanalystes[73] se refusèrent à donner dans leur interprétation une place aussi grande à la terreur, en vue de liquider le complexe d’Œdipe d’où des interprétations plus subtiles ; la circoncision n’est pas une castration symbolique, mais le désir pour le garçon d’être blessé comme la femme dans ses organes génitaux ; le sang qui coule est l’analogue du sang menstruel, et la menstruation élevant la dignité de la femme, puisqu’elle est le signe de ses maternités futures l’homme acquerrait ainsi un pouvoir égal à celui que ce sang menstruel permet aux filles; certaines pratiques, comme la subincision, vont même jusqu’à donner à l’organe sexuel masculin la forme de la vulve féminine, exprimant bien ainsi la jalousie d’un sexe vis-à-vis de l’autre[74].

Quant à l’initiation magique, elle serait en quelque sorte le contre-pied de l’initiation tribale : le sorcier est non celui qui se soumet aux contraintes du surmoi des anciens, mais celui qui, surmontant la censure sociale et le sentiment de culpabilité, s’approprie la puissance du père assassiné pour terroriser les frères jaloux, la force magique n’étant autre au fond qu’une «projection de la puissance phallique»[75].

La psychanalyse a contribué à mettre en relief la complexité du phénomène initiatique en le plaçant aux différents niveaux stratifiés d’une psychologie en profondeur; même si de nombreux anthropologues ont jugé ces théories problématiques[76]. Elle a eu le mérite de mettre l’accent sur la place de la sexualité, souvent de l’ordre du non dit comme en franc-maçonnerie, dans les rites d’initiation et de poser la question de l’universalité des concepts « occidentaux » comme le complexe d’Oedipe. Divers peuples mélanésiens n’établissent pas de lien entre l’accouplement et la grossesse et donc « ignorent » la paternité physiologique. C’est donc l’oncle maternel qui a autorité sur les enfants. L’initiation tribale y prend donc un autre sens[77].

L’analyse du fait initiatique a été enrichie par les apports de l’ethnopsychiatrie (observations ethnologiques et cliniques) et par l’ethnopsychanalyse (théorie et méthodologie). Les circoncisions, les « retraites en brousse », la cryptie, les bizutages violents, les séances de tatouage, sans parler des rites les plus violents de subincision en Australie et les diverses formes d’excisions féminines, sont indubitablement des « traumatismes »[78]. L’initiation devrait traumatiser pour « éduquer » ou mieux « pétrir »le néophyte. Tout se passe comme si les sociétés et associations à rituels souhaitaient transmettre un message de génération en génération sans que les « initiateurs » n’en aient eu jamais « pleinement » connaissance et conscience, de peur qu’ils ne le corrompent. Il s’agirait donc de la construction d’une mémoire commune, de la fabrication d’êtres “ de même chair ”, et de la constitution sociale de groupes de semblables. Telles seraient d’évidence les conséquences et donc probablement les fonctions psychologiques de tels rites. Ces rites disparaissent dans la modernité, perdant leur fonctionnalité cognitive, en l’absence de ces initiations fortes et ancrées culturellement. Pourtant dans le même temps, on observe chez les jeunes (et les moins jeunes) des sociétés « modernes » des comportements que l’on pourrait considérer comme des rites initiatiques de substitution : violence, tag, drogue, délinquance, New Age, nouveaux mouvements religieux – comportements où l’on retrouve, peu ou prou, les trois dimensions des rituels d’initiation : frayeur, douleur et « non-sens » apparent, comme s’il existait une insistance sociale, une rémanence de la fonction psychologique de rituels ayant perdu leur fonction structurale. On aurait ainsi des sociétés et des associations « modernes » qui prétendent expliquer et s’adresser à des êtres de raison déjà constitués (ou en construction) et des sociétés et associations où les rites initiatiques ne seraient jamais véritablement et totalement justifiés car ils perdraient leur raison d’être. Les premières se situeraient dans le progressif cumulatif, les secondes, dans les sauts « qualitatifs », le changement de statut induisant un changement de « nature » [79] (par l’initiation, le psychopathe peut devenir chaman).

D.  Initiation et herméneutique

On n’insistera pas tant sur l’herméneutique (stricto sensu = art d’interpréter les textes/ largo sensu : « philosophie » et méthodes universelles d’interprétation) appliquée à l’initiation que sur l’initiation comme herméneutique. Néanmoins, il faut noter combien l’interaction, la dialectique entre les deux champs peut se révéler féconde, si l’on admet d’une part que l’herméneutique est une interprétation à la lumière de codes symboliques « extérieurs » à l’objet « lu » (ici l’initiation), et d’autre part, que l’initiation est une « lecture extérieure » à la culture dans laquelle elle se meut. Parce qu’elle vise les « secrets » de l’univers et de la condition humaine, l’initiation est une herméneutique qui débouche sur une véritable « gnose », c’est-à-dire un type de connaissance susceptible à son tour de transformer l’individu (cf. l’«herméneutique créatrice » de Mircea Eliade). On pourrait rapprocher ce processus de la figure archétypale d’Hénoch[80], à la fois initié/récepteur et initiant/interprète. L’initiation est donc un périple herméneutique, à la fois pour le récipiendaire (cherchant, cheminot) et pour l’initiant.

Pendant longtemps, les sciences humaines ont grandement insisté sur l’initiation comme phénomène de passage, comme mode d’intégration et de socialisation et comme rite thanatocratique, en négligeant qu’elle est également un accès à la « connaissance ésotérique » ou un révélateur de la « signification secrète des choses ». Tout dans le Ciel (cosmos) comme sur terre est « signe » ou « symbole » : il faut donc apprendre à les lire si on veut le comprendre et agir sur lui sans le ramener au Chaos ou provoquer le désordre[81]. Ordo ab Chao. Ce sont principalement les travaux de Marcel Griaule sur les Dogons qui ont légitimé cette recherche. De même, Marcel Mauss a mis en évidence que les rites (initiatiques ou pas) sont investis d’une valeur « mystique » non strictement économique et sociale. L’initiation dirait quelque chose plutôt qu’elle ferait quelque chose. Elle se présente donc comme une tentative d’expliquer et de contrôler le monde.

L’initiation participe de l’intelligence du sacré (Kashf al-Mahjub). Dans ce cas, peut-être faut-il s’interroger pour savoir s’il n’existerait pas qu’un seul idéal-type d’initiation ? Ou au moins, postuler que le fait que le caractère de l’initiation soit volontaire ou obligatoire est plus pertinent que les différentes phases de l’initiation ?

Conclusion (pour en faire une selon les règles académiques) ou le paradigme de l’anthropologue zouloue.

Si une anthropologue zouloue, ayant reçu une initiation d’âge, venait analyser avec permanence et pertinence la société initiatique occidentale « blanche » des Bons Jardiniers, au bout d’un certain temps, elle serait sans doute plus « savante » sur la dite société que les adeptes.

Si un indigène blanc, Bon Jardinier, même avancé en statut, parlait à des profanes, de la dite société blanche, son discours serait signifiant, mais pas obligatoirement pertinent scientifique, sauf s’il utilisait, en homme de métier, les outils des sciences humaines (mais dans ce cas là, il parlerait en anthropologue). Dans tous les cas, il parlerait de son vécu, mais son témoignage ne vaudrait pas obligatoirement analyse.

Si la dite anthropologue se faisait recevoir dans la dite confrérie, elle serait Bonne jardinière, mais pas blanche, encore que de retour dans sa tribu, elle serait sans doute vécue désormais comme « blanche » (cf. le surnom de Félix Eboué).

Si la dite anthropologue zouloue continuait avec force et talent, ses recherches, elle constaterait les structures anthropologiques communes de toutes les formes initiatiques qu’elle pratique et/ou qu’elle étudie.

Si la dite anthropologue zouloue s’interrogeait alors sur elle-même (ou se faisait « analyser), elle se découvrirait pratiquante donc cherchante et analyste donc chercheuse. Elle se penserait alors « schizophrène » ? Peut-on être à la fois in et out ? L’hypothèse de l’intelligibilité des rapports sociaux est-elle compatible, complémentaire, dialectique du pari de la compréhension « immédiate » de l’« ordre ésotérique des choses » ? Qu’est-ce que ma profession m’a apporté sur le plan de mon initiation et vice versa ?

Peut-être penserait-elle alors à Rabbi Nah’man (5532-5571), de Breslev : Ne demande pas ton chemin à quelqu’un qui le connait, tu pourrais ne pas te perdre.


[1]En plus des « classiques », dans une bibliographie récente, notons : L’initiation. Actes du colloque international de Montpellier, 11-14 avril 1991, organisé par le SEMA. Études rassemblées par Alain Moreau, Tome I : Les rites d’adolescence et les mystères. Montpellier ; Tome II : L’acquisition d’un savoir ou d’un pouvoir. Le lieu initiatique. Parodies et perspectives, Publications de l’Université Paul Valéry – Montpellier III, 1992,

[2]L’initiation, Paris, Dervy, 2002.

[3]Zahan Dominique, le N’domo, le Korè, Paris/La Haye, Mouton, 1960.

[4]Bonhomme Julien, Le miroir et le crâne : parcours initiatique du Bwete Misoko (Gabon), Paris, CNRS Editions, 2006.

[5]Guédon Marie-Françoise, Le rêve et la forêt. Histoire de chamanes nabesnas, Québec, Presses de l’Université Laval, 2005 .

[6]Muller Jean-Claude, les chefferies dίί de l’Adamaoua (Nord-Cameroun), Paris, CNRS éditions, 2006.

[7]Zarcone Thierry, Secrets et sociétés secrètes en Islam. Turquie, Iran et Asie centrale, XIXe-XXe siècles. Franc-Maçonnerie, Carboneria et confréries soufies, Milan, Archè, 2002

[8]L’anthropologie montre que les acteurs sociaux « jouent » très souvent dans des catégories qu’ils n’ont pas créées et ne maîtrisent pas toujours.

[9]Gendreau Joël, L’Adolescence et ses rites de passage, Paris, Didart Education, 2000.

[10]Cf. le film de Shôhei Imamura, La Ballade de Narayama, Palme d’or Cannes 1983.

[11]Les sciences humaines se livrent à une analyse clinique, pas à un classement « moral ». Dire que la mafia et la franc-maçonnerie sont des sociétés initiatiques ne signifie pas qu’elles sont de « même valeur », mais qu’elles sont anthropologiquement, structurellement analogiques.

[12]Zones de l’espace social qui induisent des comportements particuliers comme les cimetières : cf. Foucauld Michel, Des espaces autres, in revue Architecture, Mouvement, continuité, 5, octobre 1984.

[13]Dulaney Siri & Fiske Page Alan, Cultural Rituals and Obsessive-Compulsive Disorder: Is There a Common Psychological Mechanism? in, Ethos 22, n° 3, 1994, p. 243-283

[14]Fellous Michèle, À la recherche de nouveaux rites : rites de passage et modernité avancée, Paris, L’Harmattan, 2001.

[15]Différence avec la voie mystique comme on le verra plus loin.

[16]Amselle Jean-Loup et M’Bokolo Eliaka, Au cœur de l’ethnie. Ethnie, tribalisme et Etat en Afrique, Paris, La Découverte, 1985.

[17]Au-delà du « classique » mais un tantinet dépassé Totem et Tabou (1912-1913), de Sigmund Freud, voir Lévi-Strauss Claude, Le totémisme aujourd’hui, Paris, PUF, 1962.

[18]Notons des formes initiatiques inverses, comme dans la Grèce antique, l’oribasie, la fuite de femmes adultes, épouses et souvent mères, dans le monde « sauvage » pour refuser leur statut « social » de génitrice.

[19]Plusieurs traductions depuis Les tambours d’affliction, Paris, Gallimard, 1972.

[20]Un tjurunga (ou churinga) est un objet sacré, chez divers peuples aborigènes d’Australie. Traditionnellement, seuls les initiés peuvent voir un tjurunga, à l’exclusion des hommes non-initiés, des femmes et des enfants. Il est conservé dans un lieu secret. Le tjurunga est dit provenir d’un ancêtre fondateur du clan. Sa fonction serait d’établir une relation concrète, tangible, entre le présent et les temps immémoriaux, et de manifester l’importance déterminante du passé dans le présent. Cf. Testard Alain, Des Rhombes et des Tjurunga. La question des objets sacrés en Australie, in L’Homme, 33, 1993, p. 31-65.

[21]Gessain Monique, Les classes d’âge chez les Bassari d’Etyolo (Sénégal oriental, in Denise Paulme (éd.), Classes et associations d’âge en Afrique de l’ouest, 1971, Plon, Paris, p. 157-184.

[22]Waters Frank, Book of the Hopi, New York, Penguin Books, 1963; Le livre des Hopis. Histoire, mythes et rites des Indiens Hopis. Paris, Payot, 1978.

[23]Gittins, Anthony, Mende Religion. Aspects of Belief and Thought in Sierra Leone, Nettetal, Steyler Verlag, 1987.

[24]Dans les initiations tribales, les « groupes » initiateurs, porteurs de « secrets » servent de media, de vecteur, de pont, entre les groupes d’âge et la société globale. Les dits groupes sont donc publics, voire officiels.

[25]Sous l’angle anthropologique, ces trois sociétés criminelles italiennes sont des communautés, des « familles » d’« hommes d’honneur » soudées par des règles, des rites initiatiques, des codes et des « valeurs », y compris dans le meurtre. Cf. Paoli Letizia, Fratelli di Mafia. Cosa nostra e ‘Ndrangheta, Bologne, il Mulino, 2005.

[26]Pierrat Jérôme et Sargos Alexandre, Yakusa. Enquête au cœur de la mafia japonaise, Paris, Flammarion, 2005.

[27]L’accès à ces initiations peut se faire également par la recherche volontaire ou l’héritage « familial ».

[28]Lemonnier Pierre, Sorcellerie, chamanisme et imaginaire cannibale en Nouvelle Guinée, Paris, Stook, 2006.

[29]Hamayon Roberte, La chasse à l’âme. Esquisse d’une théorie du chamanisme sibérien, Nanterre, Société d’ethnologie, 1990.

[30]Jung Carl, Introduction à l’essence de la mythologie, Payot, Paris, 1968, avec Karl Kerényi et Henri E. Del Medico. Traduction française de Einführung in das Wesen der Mythologie, Amsterdam, Querido, 1941.

[31]Durand Gilbert, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, 1re édition, Paris, P.U.F., 1960 ; Figures mythiques et visages de l’œuvre. De la mytho critique à la mythanalyse, Paris, Berg International, 1979 ; Introduction à la mythodologie. Mythes et sociétés, Paris, Albin Michel, 1996 ; Les Mythes fondateurs de la franc-maçonnerie, Paris, Dervy, 2002.

[32]Max Müller, Mythologie comparée, édition établie, présentée et annotée par Pierre Brunel, Robert Laffont, Bouquins, 2002, à partir de deux traductions françaises, Essai de mythologie comparée, Paris, A. Durand, 1859 et Nouvelles études de mythologie, Paris, Alcan, 1898.

[33]Moses and Monotheism, Londres, The Hogarth Press, 1939; plusieurs traductions françaises depuis 1948 (cf. Lemerer Brigitte, Les deux Moïse de Freud (1914-1939), Toulouse, Erès, 1997.

[34]Les mythologiques, Paris, Plon, 4 volumes (1964, 1967, 1968, 1971).

[35]Mythologies, paris, Le seuil, 1957.

[36]Fellous Michèle, A la recherche de nouveaux rites. Rites de passage et modernité avancée, Paris, L’Harmattan, 2001.

[37]Cent livres Pierre & Hainard Jacques, Les rites de passage aujourd’hui. Actes du Colloque de Neufchâtel, 1981, Lausanne, L’Age d’homme, 1986.

[38]Hogbin I, The Island of menstruating Men : religion in Wogeo, New Guinea, Londres, Chandler Scranton, 1970.

[39]Herdt, Ritual of Manhood : male initiation in Papua New Guinea, Berkeley, University of California Press, 1982.

[40]Bettelheim Bruno, Symbolic Wounds, Glencoe (Illinois), The Free Press, 1954 ; plusieurs traductions françaises depuis 1971 (paris, Gallimard).

[41]Je pose l’hypothèse, mais je ne demande à personne de la partager, que l’espèce homo est « consubstantiellement »(culturellement et « naturellement ») à la fois sapiens et faber, ludens et demens, sacer et religiosus, et bien d’autres.

[42]Quenin Jean-Claude, Education traditionnelle du Bénin. La place du sacré dans les rites initiatiques, in IRE/IZFE/Revue internationale l’éducation, n° ¾, 45, 1999, p. 281-303.

[43]Rivière Claude, Les rites profanes, Paris, PUF, 1995.

[44]Vrai rite de passage ou simulacre d’initiation ?

[45]Cf. Segalen Martine, Rites et rituels contemporains, Paris, Nathan, 1998

[46]Clastres Pierre, Chronique des indiens Guayaki, Paris, Plon, 1972 ; la Société contre l’Etat, Paris, Minuit, 1974 ; Mythologie des indiens Chulupi, Paris, Bibliothèque de l’EHESS, 1992.

[47]La fête rituelle n’exclut pas les pleurs, les cris, les souffrances, la douleur, les brimades ou la mort.

[48]Paris, Nourry, 1909.

[49]Goguel d’Allondans, Thierry, Rites de passage, rites d’initiation. Lecture d’Arnold van Gennep, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2002.

[50]Essays on the ritual of social relations, Manchester University Press, 1962.

[51]La Notion de rite de passage , in Les Rites de passage aujourd’hui. Actes du Colloque de Neuchâtel 1981, op. cit., p. 9-19 ; Rite de passage, passage matériel : les rituels de la naissance, in Essais sur le rituel, II. Colloque du Centenaire de la Section des sciences religieuses de l’Ecole pratique des hautes études, Louvain, Peeters P. 229-236.

[52]Vidal Pierre, Garçons et filles. Le passage à l’âge d’homme chez les Gbaya Kara, CNRS-Paris X, Klincksieck, 1976.

[53]Verbeek Léon, Contes de l’inceste, de la parenté et de l’alliance chez les Bemba, Paris, Karthala, 2006.

[54]Verger Pierre,  Dieux d’Afrique. Culte des Orishas et Vodouns à l’ancienne Côte des Esclaves en Afrique et à Bahia, la Baie de Tous les Saints au Brésil, Paris, éd. Paul Hartmann, 1954.

[55]Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, Alcan, 1912.

[56]Voir plus loin.

[57]Cf. les sens lato sensu.

[58]Voir plus haut.

[59]Les fonctions mentales dans les sociétés primitives, Paris, F. Alcan, 1910 La mentalité primitive, Paris, F. Alcan, 1922 L’âme primitive, Paris, F. Alcan, 1927.

[60]Patterns of Culture, New York, Houghton Mifflin, 1934 ; traduction française, Echantillons de civilisation, Paris, Gallimard, 1950.

[61]Coming of Age in Samoa, New York, Mentor Books, 1928; Growing Up in New Guinea, New York, William Morrow & Co., 1930.

[62]Sex and Temperament in Three Primitive Societies, New York, William Morrow & Co., 1935.

[63]The Scientific Theory of Culture, Chapell Hill, University of North Carolina Press, 1944.

[64]Structure and Function in Primitive Society, Londres, Henley, 1952.

[65]Theories of Primitive Religion. Oxford University Press, 1965 ; traduction française La religion des primitifs à travers les théories des anthropologues, Paris, Payot, 1971.

[66]Malinowski Bronislaw, Argonauts of the Western Pacific, New York, E.P. Dutton & Co, 1922 ; Radcliffe-Brown Alfred, The Social Organization of Australian Tribes, 1931 ; Evans-Pritchard Edward, The Nuer : A Description of the Modes of Livelihood and Political Institutions of a Nilotic People, Oxford : Clarendon Press, 1940.

[67]Sex and repressions in Savage Society, New York, Harcourt, 1927; traduction française, Paris, Payot, 1932.

[68]Mattelart A & Neveue, Introduction aux Cultural Studies, Paris, La Découverte, 2003.

[69]Cadoret Michelle, Theodor Reik et le rituel, in Topique. Revue freudienne, 75, 2001, p.45/60.

[70]Reik Theodor, Das Ritual. Psychoanalytische Studien, Leipzig, IPV, 1928 ; traduction anglaise Ritual. Psychoanalytic studies, Londres, Hogarth Press, 1931 ; traduction française, Paris, Denoël, 1974, p. 164.

[71]Thèse discutable et à discuter.

[72]Cf. Roheim Geza, Animism, magie and the Dive King, Londres, Kegan Paul, VI, 1930; Psychoanalysis and Anthropology, New York, International University Press, 1950.

[73]Devereux Georges, Essais d’ethnopsychiatrie générale, Paris, Gallimard, 1970 ; Ethnopsychanalyse complémentaire, Paris, Flammarion, 1972 ; Femme et mythe, Paris, Flammarion, 1982.

[74]Free Press, 1954; Les Blessures symboliques ..., Paris, Gallimard, 1971.

[75]Cf. Roheim Geza, voir plus haut.

[76]Cf. Bastide Roger, Sociologie et psychanalyse, Paris, PUF, 1950.

[77]Cf. Pulman Bertrand, Anthropologie et psychanalyse. Malinowski contre Freud, Paris, PUF, 2002.

[78]Pour mémoire, expliquer « scientifiquement » ne vaut pas alibi.

[79]Cf. toute l’œuvre de Tobie Nathan, et de manière synthétique, La morale du crocodile, préface de l’ouvrage de Fabrice Hervieu-Wane, Une boussole pour la vie, Paris, Clés/A. Michel, 2005.

[81]Il va sans dire que la question n’est pas de savoir si cela est scientifiquement vérifiable, mais de constater que c’est le discours des acteurs sociaux.