Augustus Frederick, duc de Sussex, premier grand maître de la Grande Loge Unie d’Angleterre (2e partie)

 

Augustus Frederick, duc de Sussex fut toujours un maçon actif depuis sa réception à Berlin en 1798 à la loge Zur Siegenden Wahreit (Grande Loge Royal York)jusqu’à son passage à la Grande Loge Eternelle. De retour à Londres, il s’affiliera dans quatre loges : en 1800, Prince of Wales’ Lodge n° 503 (puis n° 412 en 1813), fondée en 1787 autour du prince héritier, en 1806, Lodge of Friendship n°6 (n° 3)°, en 1808, Antiquity Lodge n° 2, une des quatre fondatrice de 1717 et en 1820, Royal Alpha Lodge n° 16. Il fut également Grand Principal du Grand and Royal Chapter des Modernes (1810) avant d’être député grand maître (février 1812), à la mort de l’amiral Sir Peter Parker (1721-1811) à qui il succéda dans la charge et dernier grand maître (février 1813), pour quelques semaines des Modernes. Devenu grand

maître de l’obédience réunifiée, il s’attacha à structurer, consolider et développer la franc-maçonnerie anglaise. En 1817 fut constitué le Grand Chapter de l’Arc Royal dont les rituels furent révisés par un comité spécial, en 1834, et mis en œuvre avec la formation d’un chapitre de Promulgation. En 1837, Sussex inaugura le Grand Lodge Library and Museum. Il protégea les Royal Masonic Institution for Girls (1788) et for Boys (1798) et avant sa mort, forma le Royal Masonic Benevolent Institution (1842). En 1838, pour rationaliser la gestion de l’obédience, il fit inclure les quatre boards des general purposes (affaires générales, finances, œuvres et écoles) dans le Board of General Purposes, bureau exécutif composé du grand maître, de dix grands officiers nommés par lui et de quatorze vénérables (ou anciens) élus en Grande Loge. Enfin il œuvra pour faire de la franc-maçonnerie un élément de la religion civique britannique en maintenant à la fois une liturgie et un climat « religieux » en loge, tout en les faisant déconfessionnaliser, n’hésitant pas à prôner l’ouverture de l’ordre à des musulmans et même à des non-monothéistes comme l’indique la lettre du 2 juillet 1842 qu’il adressa au grand maître provincial du Bengale, John Grant :

« The initiation of Hindus […] is a question which has occupied H.R.H.’s attention for many years, and it has formed a part of his Masonic creed; that provided a Man believes in the existence of the Great Architect of the Universe, in fraternity, and extends that belief likewise to a state of Rewards and Punishments hereafter, such a person is fully competent to be received as a Brother…[1]

Cependant, si on en croit l’historien Robert F. Gould (1837-1915), cofondateur de la loge londonienne de recherche Quatuor Coronati n° 2076 dont il sera le second vénérable, on lui reprochait son autoritarisme, son népotisme, ses dépenses, voire sa nostalgie des usages des Modernes. Sa situation matrimoniale, sa santé fragile et son manque de surface financière l’affaiblissaient. Il avait donc tendance à considérer l’obédience comme sa chose. De plus malgré sa tolérance politique et religieuse et sa commisération envers autrui, le prince fut étranger aux misères sociales engendrées par la révolution industrielle. Est-ce pour cela qu’un schisme se produisit en 1823 à Liverpool avec la formation de la Grand Lodge of Free and Accepted Masons of England According to the Old Constitutions [2]dite Wigan Grand Lodge ? Cette révolte était l’aboutissement d’un mécontentement grandissant au sein de la Grande Loge provinciale du Lancashire à compter de 1817. Le noyau dur de la contestation, composée de négociants et d’artisans de Liverpool et de Wigan, centre cotonnier important, voisin de Manchester, sensibles aux idées libérales, voire radicales, était menée par le bijoutier James Broadhurst et l’horloger Peter Litherland. Lors d’une réunion à Liverpool, au Castle Inn, un manifeste signé par 34 frères présentait les objectifs « antimodernistes » du groupe. En réponse, l’exécutif de la Grande Loge Unie suspendit 65 maçons (été 1822). En décembre 1822, une réunion, sous les auspices de la loge rebelle Harmony n° 385 se tint à l’auberge Magie and Stump, sise Key Street. Une fraction dont Broadhurst fit repentance, mais l’autre groupe conduit par Michael Gage décida de réveiller une obédience « ancienne ». La fondation eut lieu en décembre suivant à la Shakespeare Tavern, sis Williamson Square. Les sécessionnistes se réunirent en fait à Wigan jusqu’en 1825, mais sa dernière loge maçonnera jusqu’en 1913.

[1] Harlands-Jacobs Jessica, Builders of Empire, op. cit., p. 223-224.

[2] Beesley Eustache, The History of the Wigan Grand Lodge, Manchester, Association for masonic research, 1920.

Extraits revus et corrigés de Hivert-Messeca Yves, L’Europe sous l’acacia, tome 2, Paris, Dervy, 2014, p. 186/8.

 

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